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dans la garde royale ; et c’est, m’a-t-on affirmé, ce même Landaburu, qui, pendant les troubles de Madrid, en juillet 1832, périt misérablement, massacré par les soldats qu’il commandait. M. Landaburu avait embrassé avec chaleur les principes et la cause de la révolution espagnole.

Placé par mon âge et par l’état avancé de mes études au nombre des pages de première classe, je m’étais lié avec un d’entre eux, appelé Domingo Aristizabal. Ce jeune homme, déjà page sous Charles iv, était fils d’un ancien vice-roi du Mexique. Son père et tous ses parens, dont il s’était trouvé éloigné et en quelque sorte abandonné au moment de l’occupation de Madrid par les Français, combattaient dans les rangs des insurgés. Il avait franchement répondu à mon amitié et m’avait promis de ne pas me quitter pendant ma réception, afin de me faire connaître toutes les personnes de la cour, dont les noms lui étaient depuis long-temps familiers.

La revue passée et l’heure du départ étant sonnée, nous nous mîmes en route, marchant militairement deux par deux, ayant en tête notre gouverneur et M. Landaburu ; Aristizabal était à mon côté.

Pour arriver au palais, nous avions à traverser une grande place, à peine nivelée et encore couverte de ruines et de décombres : c’était une des places que le roi Joseph, jaloux de l’embellissement et de la salubrité de la ville, avait ordonné d’ouvrir, et qui lui faisaient donner, par les Espagnols mécontens des innovations dont ils n’appréciaient pas alors toute l’utilité, le surnom de Rey de las Plazas[1].

Les ennemis de Joseph, ne pouvant attaquer les actes de son ad-

  1. Cette place, sur laquelle donne une des façades du palais royal de Madrid, et qui est entourée de maisons est aujourd’hui une des plus belles places de la capitale.

    Croirait-on qu’avant l’arrivée de Joseph Napoléon, il n’y avait dans cette ville, peuplée de plus de cent mille habitans, que quatre places dignes de ce nom ? — La Plaza-Mayor, la plus vaste des quatre, qui servit de théâtre à toutes les fêtes, à tous les carrousels donnés sous les rois de la dynastie autrichienne, n’est guère plus grande que la place Vendôme à Paris.