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LITTÉRATURE COMPARÉE.

de Tite-Live, c’est Marcianus Capella qui tient la place de Cicéron.

En outre, partout s’élève une littérature latine, contemporaine et rivale des littératures vulgaires. L’idiome qu’elle emploie est celui de l’église, de la science, des affaires ; et l’on peut dire que la littérature latine, au moyen âge, est une littérature morte dans une langue vivante.

Passant aux impressions que notre langue et notre littérature ont pu garder de l’ancien état des peuples germains, nous trouverons qu’elles se bornent à de faibles vestiges, d’autant plus importans à recueillir qu’ils sont plus rares. D’où nous viennent donc, messieurs, les matériaux de notre littérature, et principalement de la poésie chevaleresque qui en forme, au moyen âge, la partie la plus considérable ? Doit-elle quelque chose aux traditions celtiques de la vieille Gaule, ou à des légendes originaires du pays de Galles et de la Bretagne ? Serait-il vrai que le chant des trouvères fût un dernier écho de la harpe des bardes ? Et si ces origines de la muse française sont trouvées mensongères, qu’a-t-elle emprunté de la muse provençale, sa sœur aînée, qu’elle a trop fait oublier ? Depuis le cours que M. Fauriel a professé dans cette faculté[1], on ne peut plus douter que les poètes de la France méridionale n’aient raconté, avant leurs frères d’Artois ou de Normandie, dans des épopées en partie perdues, toutes ces aventures de chevalerie qui ont fourni aux poètes de la France du nord le sujet d’intarissables récits. Quand vous verrez, messieurs, à quel point l’Europe entière s’est empressée d’adopter ces récits et de les reproduire, vous sentirez mieux avec quelle gravité se présentait la question de leur origine, et de quelle importance est la solution si neuve et si satisfaisante que M. Fauriel en a donnée.

Jusqu’ici nous n’avons parlé que de l’Occident : il faut présentement tourner notre vue d’un autre côté. Tandis que la langue française se formait laborieusement des débris de la langue latine, tandis que la chevalerie naissante mêlait quelque générosité et quelque enthousiasme aux violences de la féodalité, et que la lit-

  1. Voyez la première série de la Revue des deux mondes, dernier trimestre de 1832, où se trouve imprimé le cours de M. Fauriel.