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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

plusieurs heures sous l’eau. Telle est la triste condition du voyageur dans les rivières de la Guyane, qu’il est à chaque pas exposé à perdre en un instant le fruit de ses longs travaux et de ses pénibles privations. Mes Indiens eurent beaucoup de peine à retirer le canot du fond de l’eau, qui, heureusement, était peu profonde dans cet endroit. Je ne voulus pas rester plus long-temps chez Awarassin, qui semblait rire de mon accident, et à qui j’avais, d’ailleurs, d’autres reproches à adresser. Je continuai ma route et j’atteignis vers midi l’embouchure du Camo, après avoir failli chavirer dans le saut Coumarawa. Je m’y arrêtai quelques heures pour faire sécher mes effets à l’ardeur d’un soleil brûlant qui accrut encore la fièvre dont j’étais tourmenté.

Je n’avais plus que cinquante lieues à faire pour arriver au bas de la rivière, mais les sauts nombreux que présente l’Oyapock dans cette partie de son cours, et l’inexpérience de mes Indiens qui ne connaissaient pas les passages, me firent éprouver un tel retard, que je n’arrivai que six jours après au Ouanary, d’où j’étais parti deux mois et demi auparavant. J’abandonnai à mes Indiens tout ce qui me restait d’objets d’échanges, ce qui les rendit en un instant plus riches qu’aucun de leurs compatriotes ; mais c’était encore un salaire bien mince, car ils ont dû mettre près d’un mois pour regagner leur demeure. Les objets nouveaux qui s’offraient à eux de toutes parts leur arrachèrent à peine quelques signes d’étonnement. La couleur des nègres, et une goëlette qui était à l’ancre dans le canal de l’habitation, leur causèrent cependant un instant de surprise, et en arrivant ils s’arrêtèrent quelques minutes pour examiner cette dernière.

Après quelques jours de repos, je profitai du départ de cette goëlette pour me rendre à Cayenne, où j’arrivai accablé par la fatigue et la fièvre. Mon absence avait duré quatre-vingts jours.

La hauteur du plateau où l’Oyapock prend ses sources, et ces sources elles-mêmes, ne sont pas encore déterminées. Les meilleures cartes ne les indiquent que par supposition, ou ne donnent le cours de cette rivière que jusqu’au Camopi. À en juger par la hauteur partielle de chaque saut, ce plateau doit être à peine élevé de quelques centaines de mètres au-dessus du niveau de la mer, et s’abaisser par des dégradations fréquentes et peu prononcées jusque sur ces bords.