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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

passer. La beauté des sites qui s’offraient à chaque instant à nos yeux nous faisait oublier ces fatigues, et nous nous arrêtâmes plus d’une fois pour contempler à loisir le tableau admirable qui se déroulait devant nous sur les deux bords de la crique. Des arbres gigantesques étendaient d’une rive à l’autre leurs branches chargées de plantes parasites et de longues mousses blanches qui pendaient dans les airs. D’autres, couverts de fleurs brillantes, se penchaient et s’unissaient entre eux en confondant leurs couleurs. D’immenses lianes, grimpant jusqu’à leur cime, retombaient en festons, ou formaient une voûte épaisse sur nos têtes, tandis qu’à leurs pieds des bambousiers qui croissent dans les terreins marécageux, s’élevaient de distance en distance et couvraient la forêt d’un voile impénétrable. Le jour suivant, nous fîmes encore six lieues dans ces solitudes enchantées sans rencontrer aucune trace d’Indiens, quoique nous eussions dû en trouver d’après les renseignemens que nous avions pris.

Le 5, après avoir fait deux lieues, nous arrivâmes à un abatis où nous mîmes pied à terre ; mais nous poussâmes en vain des cris pour nous faire entendre des Indiens qui pouvaient être dans le voisinage. Un peu plus loin, une petite crique, affluent du Yarupi, se présenta à nous, et nous aperçûmes à quelque distance de son embouchure un canot attaché à un tronc d’arbre immense qui unissait ses deux bords en guise de pont. Nous débarquâmes dans cet endroit, et prenant un sentier qui s’enfonçait dans le bois, nous arrivâmes, après un quart d’heure de marche, à une éclaircie au milieu de laquelle s’élevait un carbet où nous trouvâmes quatre Indiens des deux sexes. La présence subite de deux blancs parut leur causer quelque frayeur, mais quelques présens les eurent bientôt rassurés. Nous apprîmes d’eux que le Yarupi cessait d’être navigable à peu distance de là, et que dans leur voisinage existaient d’autres Indiens qui vivaient au milieu des forêts, sans embarcations, et du seul produit de leurs plantations et de leur chasse.

Le lendemain, ces derniers, ayant eu connaissance de notre arrivée, vinrent nous faire une visite au nombre de quinze, et nous apportèrent une foule d’objets que nous leur achetâmes. Ils nous apprirent qu’à un mois de marche par terre, il existait, dans le