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LITTÉRATURE SANSCRITE.

à la date la plus ancienne que l’on puisse saisir dans le développement de ces belles langues. L’analyse comparée du zend et du sanscrit le ferait assister aux premiers essais de leur formation, et lui en livrerait presque le secret. La ressemblance frappante de ces deux idiomes le conduirait à reconnaître que les peuples qui les ont parlés n’ont dû faire jadis qu’un seul et même peuple ; et ce fait capital, éclairant et réunissant en un faisceau des traditions éparses et imparfaitement comprises, donnerait un haut degré de vraisemblance à l’hypothèse qui fait descendre des contrées voisines de l’Oxus, et du versant occidental des montagnes où il prend sa source, la colonie qui vint, dans des temps sans doute très anciens, conquérir la partie septentrionale de l’Indoustan.

Ici, messieurs, voyez quel immense horizon s’ouvrirait aux regards de l’historien, et combien la question déjà si vaste de l’origine de la civilisation indienne s’agrandirait encore. Depuis les sommets de l’Himâlaya jusqu’à l’extrémité de la presqu’île, une race intelligente et forte a laissé les traces profondes de sa domination. Elle a, sur tous les points de cet heureux pays, fondé des villes et bâti des temples. Religion, art, science, tout est venu d’elle. Elle a vécu sur cette terre féconde qu’elle a civilisée, comme si elle y avait pris naissance. Et maintenant une hypothèse, à laquelle plus d’un fait donne quelque valeur, prétend qu’elle y est étrangère, et que le pays, théâtre de sa merveilleuse culture, ne lui a pas toujours appartenu ! Ce peuple privilégié a-t-il trouvé vacante la terre de l’Inde, ou l’a-t-il ravie à ses anciens possesseurs ? Et s’il ne s’y est établi que par la conquête, tout vestige des vaincus est-il donc complètement effacé ? Loin de là, messieurs, et l’hypothèse qui attribue la civilisation de l’Inde à des conquérans venus du nord-ouest trouve ici l’appui nouveau d’un fait. Sous l’unité apparente de la société indienne, l’observateur n’a pas de peine à reconnaître la variété des élémens qui la composent. L’unité est dans les institutions religieuses et civiles qu’une race éclairée a su faire prévaloir ; la variété est dans les tribus et presque les nations qui ont été forcées de s’y soumettre. Ces castes rejetées aux derniers rangs de la hiérarchie sociale, qu’est-ce autre chose que les débris d’un peuple vaincu ? La différence de leur teint, de leur langage, de leurs mœurs mêmes, qui les distingue d’une manière si tran-