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existence terrestre, jusqu’au terme le plus élevé auquel il puisse parvenir, l’affranchissement suprême et le repos au sein de Dieu ; composition du plus haut intérêt, où rien de ce qui touche à la destinée de l’homme n’est omis, où tout est réglé, son avenir comme son état présent, parce que l’un est la conséquence de l’autre, et que, suivant les Brahmanes, l’homme gagne en ce monde, par ses actions, la place qu’il occupera un jour dans la série des êtres qui se succèdent sur la scène perpétuellement mobile de l’univers. À côté de la loi de Manou, les Indiens placent d’autres codes qui ne nous sont pas tous parvenus en entier, mais dont les fragmens prouvent avec quel soin les rapports des divers membres dont la société se compose avaient été fixés, et quelle importance le droit avait aux yeux des plus anciens sages ; car c’est à des Brahmanes, que la tradition révère comme les premiers instituteurs de la société fondée par eux, que sont attribués ces recueils ; et l’antiquité qu’on leur suppose n’est surpassée que par celle des Védas. Les ouvrages de droit ont donné naissance à une des branches les plus riches de la littérature sanscrite ; et d’habiles commentateurs se sont appliqués à l’interprétation de ces monumens vénérables, et à la solution des difficultés qui résultent de l’application qu’on en fait encore aujourd’hui à un état social, semblable dans son principe à celui pour lequel ces codes ont été rédigés, mais qui a dû cependant, par le laps de temps et les secousses de nombreuses et violentes révolutions, éprouver des modifications importantes.

Si nous quittons les croyances religieuses et la législation pour jeter un regard sur les produits plus libres de l’intelligence, la philosophie et la littérature proprement dite, nous rencontrerons des compositions non moins étendues, des questions non moins curieuses, et, malgré les admirables travaux des Colebrooke et des Wilson, non moins nouvelles. La philosophie ne se sépare pas, il est vrai, de la religion avec autant de franchise dans l’Inde que dans l’Occident. À quelques exceptions près, elle repose sur la révélation, et promet à la recherche de la vérité la même récompense que la religion fait espérer à la foi. Mais, quoique enchaînée aux deux termes de son développement, la philosophie n’en traite pas moins avec liberté toutes les questions qu’embrassait, dans ses recherches, la sagesse antique. Dans le passé, l’origine du monde ;