Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
REVUE DES DEUX MONDES.

fait que le reculer davantage. Une littérature inépuisable, une mythologie sans bornes, des sectes religieuses infiniment diverses, une philosophie qui a touché à toutes les difficultés, une législation aussi variée que les castes pour lesquelles elle est faite, tel est l’ensemble des documens que l’Inde nous a conservés sur son état ancien ; ce sont là les matériaux à l’aide desquels l’érudition devra reconstruire l’histoire du peuple célèbre dont ils attestent le génie.

À la tête de la littérature indienne, la critique, d’accord avec la tradition, place les Védas, que les Brahmanes regardent comme révélés par l’Intelligence suprême. Ces livres ne sont pas encore traduits, mais l’illustre Colebrooke en a donné une description et une analyse savante, et M. Rosen, de courts fragmens qui doivent être suivis de la traduction du Rigvéda. Déjà on a pu apprécier l’intérêt de ces antiques compositions sous le rapport philosophique. Jamais peut-être la pensée n’a cherché avec autant de persévérance et d’audace, l’explication des grands problèmes qui sont depuis des siècles en possession d’exercer l’intelligence humaine. Jamais langage plus grave et plus précis, plus souple et plus harmonieux, ne s’est prêté à l’expression des images que l’homme invente pour décrire ce qu’il ne voit pas, et pour expliquer ce qu’il ne peut comprendre. Si la nouveauté des conceptions cause parfois quelque surprise, il faut s’en prendre à l’impuissance où est la raison humaine de franchir les bornes qui arrêtent son essor. Mais le spectacle des tentatives qu’elle fait pour les dépasser est toujours un des plus curieux que puisse se donner le philosophe ; et c’est déjà un trait bien caractéristique dans l’histoire d’un peuple, que les productions les plus évidemment anciennes de son génie soient aussi celles où les raffinemens de la pensée et les inventions de l’esprit de système soient portés au plus haut degré. Je ne parle pas de la poésie des Védas, dont nous ne possédons encore que des extraits peu étendus, Elle est, comme toute poésie primitive, simple et élevée ; mais ce double caractère lui convient peut-être mieux qu’à celle d’aucun autre peuple. L’homme y paraît peu, au moins dans les seuls fragmens qu’on en connaisse encore, et le mouvement désordonné de ses passions n’en trouble pas la calme uniformité ; mais la nature y est chantée dans toute sa grandeur, et nous ne savons pas que les scènes brillantes qu’elle ramène chaque jour sous les yeux