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résultat de ce travail et de cette comparaison que je vous soumets. »

Alors se plaçant dans la position de ses adversaires, il se mettait à énumérer tout ce qu’il ferait, s’il voulait détruire la liberté de la presse. Il déclara qu’il commencerait par soulever contre elle les intérêts privés, en la représentant comme presque uniquement consacrée à la diffamation ; qu’il tairait surtout le mépris qui environne les libellistes, la durée éphémère de leurs productions, la nullité de leur influence, la flétrissure dont le public les frappe ; il grossirait leur nombre, exagérerait au contraire l’effet de leurs écrits ; il parlerait de manière à faire croire qu’il ne paraît que des ouvrages irréligieux, séditieux ou obscènes. Il se garderait bien surtout de reconnaître que les ouvrages indécens ou impies sont tous d’une autre époque, d’une époque où la liberté de la presse n’existant pas, l’absence de cette liberté provoquait la licence. Quant aux ouvrages séditieux, il cacherait soigneusement ce fait important et décisif, que lorsque la presse était bâillonnée par la censure, la France était agitée deux ou trois fois par an, par des conspirations vraies ou fausses. Il méconnaîtrait la tranquillité dont la France jouissait depuis que la presse était libre. Il dénoncerait au contraire son pays à l’Europe, comme un repaire d’hommes dépravés, de calomniateurs et de factieux, qui ne sauraient jouir d’aucune liberté sans se précipiter dans les excès les plus révoltans et les plus horribles. Cela fait, il frapperait d’un impôt énorme et les réclamations des victimes et les réflexions des bons citoyens ; l’homme qu’une réduction inique ou quelque acte illégal aurait ruiné, devrait d’abord payer mille francs pour la publicité bien restreinte de mille exemplaires de deux pages ; l’employé réduit à la misère par une destitution qu’accompagnerait la calomnie, devrait trouver une somme double des chétifs appointemens qu’on lui aurait ravis, pour pouvoir dire qu’on les lui a ravis en le calomniant. L’artisan traîné, au mépris des lois et des formes, à quelque extrémité de la France, et rendu inhabile à l’exercice de son industrie, par l’interruption de ses travaux ou la destruction de ses forces physiques, devrait, ruiné qu’il serait, acheter 1000 fr. le droit d’imprimer mille exemplaires de deux pages pour raconter sa déplorable histoire. Il vendrait ainsi au malheur le droit de la