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REVUE. — CHRONIQUE.

brutalement et l’ont tué sans miséricorde, en déclarant qu’il avait offensé leur pudeur.

La troupe anglaise, qui avait attiré peu de monde à la salle Favart, a trouvé meilleure chance rue Chantereine, et le succès qu’elle y obtient ne peut manquer de se consolider de jour en jour, car elle ne l’aura dû qu’à son mérite, et nullement au charlatanisme. Mademoiselle Smithson, Archer, Jones et Oxberry n’ont point, il est vrai, dans les journaux, de compères qui les proclament chaque matin sublimes, comme madame Boccabadati et autres artistes de la même force, au moyen desquels le théâtre Italien mystifie effrontément notre bon public ; mais le talent véritable, quand il sait attendre patiemment finit toujours par se faire apprécier et obtenir sa récompense. Que les acteurs anglais persévèrent donc avec courage ; qu’ils continuent à varier leur spectacle comme ils l’ont fait jusqu’ici ; qu’ils nous donnent surtout du Shakespeare. Il leur sera tenu compte de leur zèle. En ce qui nous concerne au moins, nous les encouragerons de tous nos efforts. La Revue des deux Mondes ne saurait trop recommander une entreprise aussi essentielle au progrès de l’art et à l’étude de la plus riche des littératures étrangères.

Le tribunal consulaire a donné gain de cause à M. d’Argout contre le Roi s’amuse. Mais M. Victor Hugo ne se tient pas pour battu. Il porte sa cause devant la cour royale, il la portera, s’il le faut, en cour de cassation. Honneur à lui. Il prouve vaillamment ainsi qu’il a confiance dans son droit, et qu’il saura le maintenir jusqu’à épuisement de toute juridiction. S’il succombe définitivement, il aura donc bien mérité de la propriété littéraire. Il l’aura défendue autant qu’il était en lui. Ensuite ce sera au pouvoir législatif d’aviser.

Mais il est un autre appel plus poétique dont M. Victor Hugo va nous constituer les juges. Une nouvelle pièce, Lucrèce Borgia, qu’il vient de faire recevoir à la Porte-Saint-Martin, se monte maintenant à ce théâtre avec un grand luxe, et doit y être représentée avant la fin du mois. Ce sera une représentation solennelle, et nous n’en doutons pas une réponse décisive à ceux qui ont persisté jusqu’ici à nier le génie dramatique chez l’auteur des Orientales. — « N’y avait-il point de drame dans Hernani ? N’y avait-il point