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dans cet aréopage dont les membres ont chacun une règle différente de décision. La spécialité est donc pour une académie la règle nécessaire de ses travaux : elle doit ne pas s’égarer dans ces questions générales et infinies où on peut introduire le monde, elle doit abstraire et choisir des problèmes distincts ayant leur portée, mais aussi leurs limites, les poser nettement, opérer avec succession et méthode, proposer une série de travaux analytiques dont le développement et la collection puissent former pour le public, la jeunesse et les artistes à venir, d’utiles matériaux. Or, ces résultats fructueux ne sauraient être obtenus que par la publicité : le premier acte de la nouvelle Académie doit être de rendre publiques ses séances et ses discussions, d’accueillir les mémoires et les essais qui lui seront présentés et exerceront pour ainsi dire le droit de pétition de l’intelligence. De cette façon les académiciens, juges des pétitionnaires, seront jugés à leur tour par le public ; on connaîtra leurs opinions, leurs doctrines ; ils deviendront responsables. La spécialité, la publicité et la responsabilité peuvent seules procurer à la nouvelle Académie quelque crédit et quelque influence.

Poser avec clarté devant le public certaines questions de philosophie sociale et de science historique serait déjà un utile service qu’une académie peut rendre convenablement. Ce serait déjà faire justice des fausses méthodes, des logomachies ténébreuses, des abstractions vides, des fictions hypocrites et creuses, lueurs trompeuses présentées aux sociétés dans la tourmente de la vie, et qui ne les mènent que sur des écueils. La clarté des idées est aussi nécessaire à la tête humaine que la lumière à l’œil ; l’esprit n’est fécond que par l’évidence comme l’oranger ne grandit qu’au soleil ; la vraie science mène à la vraie politique.

Au surplus le salut des idées et partant des destinées humaines est au-dessus de toute atteinte et n’a rien à craindre de l’invalidité ou du mauvais vouloir de quelques-uns. Aujourd’hui l’homme est puissant. Ne vous arrêtez qu’aux superficies et aux premières apparences, tombez sur un évènement triste ou sur une face moins développée des choses, vous pourriez douter peut-être de l’influence effective et toujours présente de la vérité. Mais prenez la société humaine au fond et dans toute son étendue, pénétrez jusqu’aux forces vives et réelles, voyez le travail universel et sécu-