Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
REVUE DES DEUX MONDES.

des questions spéciales ni de faire l’apologie ou la critique des lois existantes, ni de provoquer des réformes soudaines. Tous les temps et tous les pays fourniront des exemples fertiles en inductions et en conséquences. Le but de l’ouvrage devra être de répandre des lumières, de contribuer à rendre vulgaires des vérités qui, étant enfin généralement admises, s’introduisent dans la législation. C’est ainsi que la servitude personnelle dans les domaines royaux a été abolie par un édit de Louis xvi, du mois d’août 1779 ; c’est ainsi que la question préparatoire à laquelle on appliquait les prévenus a été abolie par une déclaration du même roi, du 24 août 1780. Le temps et les travaux des écrivains avaient préparé ces réformes.

« Un pareil ouvrage bien conçu et bien exécuté honorerait l’auteur et la nation ; il serait étudié avec fruit par tous les peuples ; il amènerait à la longue d’une manière indirecte, mais sûre, d’immenses améliorations dans les lois et dans les mœurs du monde civilisé.

« L’Académie, en proposant ce grand et beau sujet, croit rendre un noble hommage à celui qui, après avoir passé sa vie à faire du bien à ses semblables, a voulu leur léguer après sa mort le trésor le plus précieux des vertus et de la sagesse[1]. »

Assurément un semblable programme atteste les plus honorables intentions ; l’Académie française ayant à sa disposition une somme considérable veut obtenir à ce prix un ouvrage d’une utilité générale et d’un ordre élevé : rien n’est plus louable ; mais a-t-elle été heureuse dans le choix du sujet proposé, et dans cette première convergence à des matières plus graves que ses occupations ordinaires ? Si elle eût eu dans son sein des publicistes compétens aussi bien que des littérateurs distingués, ces publicistes l’eussent détourné de proposer cette question : De l’influence des lois sur les mœurs et des mœurs sur les lois ; ils lui eussent démontré que c’était trop ou trop peu : trop peu s’il ne s’agissait pour se trouver vainqueur que d’habiller avec les secours de la rhétorique un lieu commun, de pauvres et chétives idées ressemblant aux sépulcres vides et blanchis de l’Écriture ; trop si la couronne ne devait écheoir

  1. Moniteur du 14 septembre 1827.