tous les novateurs, à quelque parti qu’ils appartinssent, et il tendit la main à tout ce qu’il voulait conserver. On sait le reste. Les doctrinaires, petite congrégation admirablement entendue et patiente, l’entourèrent, lui épargnèrent la peine de faire ses rapports, ses discours, et même d’y songer. M. Thiers, M. Guizot, M. Vitet et d’autres travaillaient jour et nuit pour Périer, lui préparaient tout, lui formulaient tout. On ne lui laissait pas la moindre besogne à faire ; on eût même volontiers signé pour lui. On ne lui demandait que de vouloir bien mettre sa parole brève et mordante, ses trépignemens, ses coups de poings sur la tribune, à la disposition de ses souffleurs politiques, et le reste devait aller bien ! Ce fut un véritable règne que les six premiers mois de ce ministère, car le ministre ne gouvernait pas, vu qu’il ne faisait rien, et c’est là véritablement régner. Il se bornait à traiter avec la diplomatie étrangère, qui, non moins fine que la doctrine, et sentant tout le prix de cette volonté furieuse et aveugle, le caressait et le flattait avec une grâce qui le séduisait d’autant plus qu’il rapportait tout à son mérite et à la grandeur de ses vues. Et comment eût-il pu ne pas y croire ? Tout s’était subitement discipliné sous sa main. Dès le matin, ses collègues et le président de la Chambre attendaient son loisir dans son salon ; la Chambre, composée de députés neufs et qu’on redoutait fort, s’était tout-à-coup apprivoisée, grâce à l’activité sans égale de M. Thiers, de M. Guizot et de leurs amis. On voyait la majorité manœuvrer sous l’œil de Périer et à son geste avec une précision qui eût fait honneur à de plus vieux soldats ; la presse ministérielle, de son côté, écrasait chaque matin l’opposition par de virulentes sorties qui s’élaboraient chaque soir dans le cabinet du ministre, à l’aide de cinq ou six des plus fécondes créatures de MM. de Villèle et Corbière, et la verdeur des feuilles libérales lui faisait seule sentir qu’il n’était pas encore le maître absolu. Aussi les noyait-il avec colère au fond du bain, où il avait coutume de les lire.
Les forces et le courage de Casimir Périer se soutinrent tant qu’il fut ou qu’il se crut le maître des affaires extérieures et de l’administration. L’histoire de la correspondance diplomatique cachée à M. Laffitte lorsqu’il était président du conseil, et portée directement au roi par M. Sébastiani, l’avait rendu très défiant. Il