Nous avons sous les yeux quelques feuilles de ce volume que la veuve de M. Brugnot va publier. M. Foisset de Dijon a dû y ajouter une notice sur le poète, son ami, et que nous aurions aussi le droit d’appeler le nôtre. M. Brugnot, mort à trente-deux ans, professeur de rhétorique au collège de Troyes, était un de ces hommes dont les destinées peuvent ressembler en malheur à beaucoup d’autres existences ici-bas, mais dont les âmes sont précieuses et toujours bien rares. Après d’excellentes études en province, pauvre et poète, il lutta de bonne heure avec ses goûts et avec les circonstances : cujus conatibus obstat res angusta domi. Marié sans fortune et par amour, vivant des modiques appointemens d’une place de régent dans quelque collège communal, jeté parfois dans la polémique politique des journaux de département, et y apportant une invariable droiture, une ardeur ingénue, des convictions loyales et peu vulgaires, assez analogues, autant qu’il nous en souvient, à celles qui étaient soutenues vers le même temps à Paris par les rédacteurs du Correspondant, M. Brugnot usa vite, dans ces émotions et ces travaux, une vie qui portait déjà en elle un germe mortel. Les vers intimes où il s’épanche, respirent des vœux résignés et purs, les pressentimens tristes de l’époux et du père, les goûts pieux de l’artiste qui se prend aux traditions et aux ruines ; plusieurs poèmes inachevés accusent sa fatigue et son peu de loisir. L’unité du recueil est toute dans l’idée de mort que nourrit en lui le poète ; la forme d’ailleurs et souvent le choix des sujets appartiennent à des phases et à des manières diverses de son talent. Ce talent n’était pas d’une originalité invincible et nécessaire ; il réfléchissait quelquefois les autres ; il se modifiait par le dehors ;
- ↑ Seront en vente à partir du 1er janvier, chez madame veuve Brugnot, imprimeur-libraire à Dijon ; à Paris, chez M. Prieur l'aîné, rue de la Monnaie, no 24.