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qu’on leur a attribuée de se faire traiter dans leurs maladies par leurs piayes ou sorciers ; mais, soit que cette coutume soit tombée en désuétude, soit qu’elle n’ait existé que parmi d’autres nations, je n’en ai point rencontré de traces dans l’Oyapock. Le mot de piaye est bien connu des Indiens, ainsi que de tous les habitans de la colonie, et désigne simplement des individus auxquels on attribue le pouvoir de jeter des sorts sur leurs ennemis, et de leur occasionner des maladies, et même la mort ; mais, non plus que parmi nous, ces prétendus sorciers ne sont soumis, pour devenir tels, à de certaines épreuves, par d’autres sorciers plus anciens qu’eux, ainsi qu’on l’a souvent répété. Il suffit qu’un Indien ait empoisonné plusieurs de ses compatriotes pour devenir la terreur des autres, et de la crainte à la sorcellerie il n’y a qu’un pas. À la différence de nos sorciers, qui sont pour la plupart de malheureux imbéciles incapables de nuire, c’est par le mal qu’il commet qu’un piaye indien obtient sa célébrité. À des crimes réels il mêle en même temps des pratiques qui ne sont que ridicules, mais qui ne frappent pas moins l’esprit crédule de ses compatriotes. Ainsi, il cachera, dans différens endroits du carbet de l’individu auquel il veut nuire, de petits paquets contenant des fragmens de certaines plantes, des os, des plumes et autres ingrédiens semblables. Cette manière d’ensorceler n’est-elle pas absolument semblable à celle employée par nos sorciers d’autrefois ? Les nègres de la colonie ont adopté ces superstitions indiennes, ou plutôt en ont apporté de pareilles de l’Afrique, et quelques-uns d’entre eux passent pour d’habiles piayes parmi leurs camarades, et même aux yeux de certains habitans.

Je ne nie pas, d’une manière absolue, que les Indiens dans leurs maladies n’aient recours aux sortiléges ; les récits des missionnaires qui ont passé de longues années parmi eux méritent trop de confiance pour que j’essaie de les révoquer en doute ; je dis seulement que cet usage ne s’est pas offert à moi. Il est bien connu d’ailleurs que les Indiens traitent par des spécifiques le petit nombre de maladies auxquelles ils sont sujets, et qu’ils en possèdent d’excellens contre la dysenterie, la morsure des serpens, etc.