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de vastes couys, qui sont aussitôt mis à sec, et remplacés par d’autres sans fin. Bientôt l’ivresse la plus complète s’empare des buveurs, et de tous côtés on en voit qui rejettent avec effort ce qu’ils viennent de prendre, sans que cela les empêche de boire immédiatement après ; l’usage exige impérieusement qu’on ne se sépare que lorsqu’il ne reste plus une seule goutte de cachiry, ce qui demande quelquefois plusieurs jours.

Ces horribles excès sont d’autant plus extraordinaires, que les Indiens sont naturellement sobres et supportent la faim et la soif pendant des journées entières sans se plaindre. Il n’est pas rare, en entrant dans un carbet, de les trouver tous étendus dans leurs hamacs, quoiqu’il n’y ait absolument rien à manger, et que le dernier repas ait été pris depuis fort long-temps. Ce n’est que lorsque la faim commence à se faire sentir vivement, qu’ils songent à se procurer des vivres. Les femmes vont alors dans l’abatis arracher un peu de manioc ; mais comme il faut douze heures au moins pour qu’il soit converti en couac, le reste de la famille dort ou fume pour émousser son appétit. Cette imprévoyance, jointe à leur paresse, fait aussi que souvent ils ne cultivent pas la moitié des vivres nécessaires à leur subsistance pour l’année entière. Ils y suppléent par la chasse et la pêche.

Le 1er novembre, nous quittâmes l’habitation d’Oropoam, et fûmes coucher à la crique Yavey, qui en est éloignée de neuf lieues. Nous franchîmes dans la journée les sauts Machikiriou et Massara, tous deux peu importans.

Le lendemain, nous atteignîmes la crique Yarupi, sur la rive gauche de l’Oyapock. Le saut Kuépon et celui de Wià-hi, que nous eûmes à passer, ainsi que plusieurs barrages, nous prirent un temps considérable. La rivière, quoique considérablement rétrécie, conservait encore la même largeur que la Seine à Paris. Je donnerai plus tard quelques détails sur le Yarupi, que j’ai remonté dans une partie de son cours.

Le 3, après avoir passé le saut Ako, nous aperçûmes, sur la rive gauche de l’Oyapock, un carbet à demi caché entre les arbres, qui annonçait une plantation dans le voisinage. N’y trouvant personne, nous suivîmes un sentier qui, après un quart d’heure de