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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

extrémités ; en les mettant ensuite-debout et les écartant entre elles, ils obtiennent un triangle dans les intervalles duquel on peut placer trois hamacs. Si le temps est à la pluie, ils y ajoutent une sorte de toit en feuilles de tourloury, qui n’atteint qu’imparfaitement son but ; mais ils ne sont pas difficiles, et le voyageur doit les imiter. Ces perches, ainsi installées, se nomment tapayas dans leur langue, et on en rencontre à chaque instant sur les roches de la rivière.

Il faut, dans les voyages de ce genre, qu’un Européen renonce à toutes les jouissances ordinaires de la vie. On ne peut emporter d’autres vivres que la farine de manioc, du tafia et d’autres objets de même nature. La subsistance de chaque jour dépend de l’arc et des flèches des Indiens. Les nôtres avaient fléché, pendant la route, plusieurs poissons dont nous soupâmes. L’Oyapock en nourrit un grand nombre d’espèces, qui presque toutes égalent en qualité, si elles ne les surpassent pas, nos meilleurs poissons d’eau douce. Les plus communs et les plus délicats sont le coumarou et le pacou. Tous deux ont quelque ressemblance de forme avec la carpe, et vivent de préférence près des roches où l’eau est dans une agitation perpétuelle, et se nourrissent d’une espèce de cryptogame à feuilles dures, épaisses et frisées qui les tapissent partout. Ils forment en quelque sorte la base de la nourriture du voyageur. Les Indiens sont tellement passionnés pour la pêche, qu’il est inutile de leur défendre de diriger le canot sur le premier poisson qu’ils aperçoivent, en eussent-ils dix fois autant qu’ils en peuvent consommer. Le plus léger mouvement de l’eau, imperceptible à l’œil d’un Européen, leur révèle sa présence à une distance considérable, et leur cause des transports de joie. L’un d’eux se tient debout, l’arc tendu, à l’avant de la pirogue, tandis que les autres pagaient sans faire le moindre bruit ; et il est rare que le premier manque son coup, quand le but n’est pas trop éloigné. On perd ainsi un temps considérable, mais ce n’est encore rien. Si, en passant près d’un amas de roches, ils soupçonnent qu’ils y feront bonne pêche, ils attachent l’embarcation, sautent à terre, et se répandent de côté et d’autre jusqu’à ce que la fantaisie leur vienne de continuer la