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ainsi que nous, sur les côtés et à l’arrière de l’embarcation, et en moins d’une heure et demie nous eûmes dépassé l’obstacle qui nous arrêtait et rechargé les canots. Nous franchîmes, non sans difficulté, plusieurs petites cascades, et nous entrâmes ensuite dans le grand courant, dont les eaux se précipitaient avec impétuosité dans le canal étroit où elles s’étaient ouvert un passage. L’eau était peu profonde, et nous y descendîmes tous pour remorquer les embarcations. C’est une chose admirable de voir, en pareil cas, l’adresse et la force que déploient les Indiens pour les diriger là où le courant présente moins de résistance, en sautant d’une roche à l’autre, ou en posant le pied dans leurs intervalles, avec autant de rapidité que s’ils marchaient sur un sol uni. L’activité et l’énergie dont ils font preuve dans ces occasions forment un contraste surprenant avec leur indolence habituelle, et bien peu d’Européens pourraient supporter aussi long-temps de pareils efforts. On est obligé d’en faire autant à chaque saut qu’on rencontre, c’est-à-dire tant que dure le voyage ; car il serait impossible de décrire ou de figurer sur une carte tous ceux qui existent dans l’Oyapock. Il faut se le représenter, dans tout son cours, comme une suite de cascades séparées par des intervalles plus ou moins longs, mais n’excédant jamais deux ou trois lieues, pendant lesquelles son cours est paisible ; et même, dans ces intervalles, les roches, dont son lit est obstrué partout, se montrent de toutes parts à découvert et gênent la navigation. La hauteur absolue du premier saut, mesurée de sa partie supérieure au bas de sa chute, est de quarante-cinq pieds.

Deux lieues plus haut, on rencontre celui de Maripa, ainsi appelé à cause de la quantité de palmiers de ce nom qui croissent sur ses bords. Il est peu considérable, et n’offre aucun obstacle comparable à ceux du précédent.

Le soir, nous nous arrêtâmes sur une roche au bord de la rivière pour passer la nuit. Les Indiens ont inventé une manière aussi simple qu’ingénieuse d’installer leurs hamacs, lorsqu’ils ne les suspendent pas aux branches des arbres. Ils coupent trois perches de dix ou douze pieds de long et d’une grosseur convenable, et les attachent ensemble avec des lianes à l’une de leurs