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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

de tafia se rendent ordinairement à l’appel ; chacun travaille un peu, on boit largement, et l’abatis se trouve fait presque subitement, tandis que le propriétaire y eût mis plusieurs jours, en n’employant que ses propres forces. La fête se termine le plus souvent par d’abondantes libations, où chacun achève de perdre le peu de raison qui lui reste.

Le reste de la population de l’Oyapock se compose des Indiens dont on voit çà et là les carbets et les plantations sur les deux bords de la rivière. Les dernières ne consistent d’ordinaire qu’en un espace étroit de quelques toises carrées, couvert d’arbres abattus, à demi consumés par le feu, dans les intervalles desquels croissent le manioc et les autres végétaux qu’ils y ont plantés. Le carbet, formé de quelques pieux enfoncés en terre, et supportant un toit de feuilles de palmier, s’élève au centre de l’abatis, à demi caché par un rideau d’arbres que les Indiens laissent toujours à dessein sur le bord de la rivière. On sent, de reste, qu’ils mourraient de faim avec d’aussi misérables plantations, si la chasse et la pêche, leur élément naturel, ne leur fournissaient pas autant de vivres qu’il leur en faut. La majeure partie même de leur manioc, au lieu d’être convertie en couac ou en cassave, est gaspillée à faire du cachiry, leur boisson favorite, dont je parlerai plus tard.

Quoique vivant au milieu des blancs, ces Indiens n’ont adopté aucun de leurs usages. Ils ont seulement, suivant la coutume, contracté la plupart de leurs vices, et s’adonnent avec excès au tafia, qu’ils recherchent avec passion et se procurent assez facilement. Il y a parmi eux beaucoup moins de bonne foi et de sincérité que parmi ceux du haut de la rivière, qui conservent encore en partie leurs mœurs primitives. La chasse et la pêche sont leurs occupations habituelles, et ils se louent volontiers aux blancs qui ont besoin de leurs services. Ils vivent en bonne intelligence avec eux ; et il faut, à ce sujet, rendre justice à l’administration de la colonie, qui depuis long-temps veille à ce qu’ils soient à l’abri de toute vexation. En retour, elle exige d’eux un service qui consiste à aller à tour de rôle, et au nombre de trois ou quatre, passer un mois chez le commandant du quar-