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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

qu’y forme le retrait des eaux. Vis-à-vis de son extrémité supérieure, sur la rive gauche de la rivière, s’avance une légère pointe sur laquelle était située, dans le dernier siècle, la paroisse de l’Oyapock, où les missionnaires avaient rassemblé un assez grand nombre d’Indiens, et qui était protégée par le fort Saint-Louis, bâti en 1726, et défendu par une faible garnison. Ce fort fut pris et incendié, ainsi que la bourgade, en 1744, par les Anglais, qui y commirent des actes de cruauté dont on peut voir le récit dans une lettre du père Fauque, insérée dans les Lettres édifiantes. Depuis cette époque, la paroisse et le fort n’ont pas été relevés, et il n’en reste plus que de faibles traces, qu’il faut chercher au milieu d’une végétation épaisse qui les recouvre. Il en est à peu près de même de quelques fortifications que les Hollandais avaient construites au pied du Morne Lucas pendant leur domination momentanée sur la colonie en 1676.


Jusqu’à ce point, les bords de l’Oyapock sont incultes et déserts. Les habitations commencent non loin de l’ancienne Mission, et se succèdent, tantôt rapprochées, tantôt isolées, jusque près du premier saut, qui est éloigné de quatorze lieues de l’embouchure. La rivière diminue insensiblement de largeur, et offre, de distance en distance, des îlots inhabités dont le nombre et l’étendue vont sans cesse croissant. Le rivage, d’abord plat des deux côtés, s’élève peu à peu et finit par être bordé de collines, dont l’élévation est peu considérable, mais qui présentent çà et là des points de vue de l’effet le plus pittoresque, et qui fourniraient aux peintres les sujets d’études les plus variés. Cette scène s’étend sans interruption jusqu’au premier saut, au pied duquel se développe une magnifique nappe d’eau, dont le coup-d’œil est ordinairement animé par les canots des Indiens occupés à pêcher. Un souvenir se rattache à ce site : c’est celui de ce vieux soldat de Louis xiv, que M. Malouet, alors ordonnateur de la colonie, trouva établi en 1776, au pied du Morne qui domine le Saut sur la rive droite. Fixé là depuis longues années, et privé de la vue, le bruit des eaux était devenu nécessaire à son existence, et il refusa toutes les offres que lui fit M. Malouet, de l’emmener à Cayenne, et de pourvoir à tous ses besoins. Les détails