anglaise, entre ces deux grandes et terribles décorations : d’un côté, l’échafaud de Charles Ier, et de l’autre le trône restauré de son fils.
Le spectacle des haines fanatiques de cette époque, de ses cruautés politiques, de ses vengeances furieuses, nous avait été tant de fois donné ! En nous le montrant à son tour, M. Frédéric Soulié ne s’exposait-il pas à ne trouver qu’un public indifférent et blasé ?
Il n’en a pas été cependant ainsi. M. Frédéric Soulié a su nous émouvoir encore avec une tragédie du temps de Cromwel.
Il est vrai qu’il n’a point ménagé nos nerfs, et qu’il a frappé sur eux de tous ses efforts et à coups redoublés.
Dans son livre, on n’aperçoit à l’horizon que le gibet ou les charniers. Le sol est partout inondé de sang. La peste infecte l’air. Puis tous les personnages, nobles, prêtres, bourgeois, soldats, se font à l’envi bourreaux et déterreurs de cadavres.
Au milieu de ce groupe de figures hideuses, il y avait pourtant une belle et douce jeune fille non encore souillée. Mais pouvait-elle rester pure dans l’atmosphère empoisonnée qui l’entourait ? Aussi son amant va-t-il, par un viol exécrable, la flétrir et la déshonorer sur le cercueil même de son père.
Le grand ressort du roman, le gond sur lequel sa fable roule tout entière, c’est la haine effrénée et mortelle qui pousse incessamment l’un contre l’autre Ralph Salnsby et Richard Barkstead, les deux principaux acteurs du drame.
Au commencement de l’action, vous les avez vus, encore tout enfans, s’attaquer de leurs dagues et se blesser sous l’échafaud de Charles Ier. Lorsqu’elle touche à son terme, vous les retrouvez se battant encore, et, de peur d’interrompre ce duel acharné, dans lequel ils succomberont tous deux, laissant mourir l’un sa maîtresse et l’autre sa mère, qu’ils pouvaient sauver peut-être, et qui les ont invoqués en vain tandis qu’ils se déchiraient.
L’espace nous manque ici pour examiner scrupuleusement ce livre et en critiquer les détails. Disons-le pourtant : s’il y est fait abus de l’horrible, si les plus fortes situations y sont gâtées souvent par l’exagération mélodramatique, si des négligences et des incorrections fréquentes en déparent le style, d’ailleurs énergique et vigoureux, on ne saurait nier qu’il y règne d’un bout à l’autre un intérêt poignant et convulsif.
C’est une longue et cruelle exécution. Le spectacle est atroce ; il donne la fièvre et le vertige, et cependant on n’en peut détourner les yeux : on veut tout voir.