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passer condamnation sur les amours libertins de François Ier ; mais entre Diane de Poitiers, la comtesse de Chateaubriand et la belle Féronnière, il y a des distances assez précises pour qu’on ne les néglige pas.

En faisant ces remarques, dans toute la sincérité de notre conscience, nous n’avons pas l’intention de continuer et de soutenir les doctrines littéraires professées avec éclat, de 1824 à 1828, par un homme éminent et habile, mais selon nous complètement fausses. Nous n’avons jamais cru, comme le critique ingénieux aujourd’hui engagé dans la vie politique, que l’histoire, dans sa réalité, était supérieure à la poésie ; nous avons, pour les restitutions de M. Ludovic Vitet, une haute estime ; nous admirons sa patience curieuse, son savoir, son adresse. Mais nous ne prendrons jamais les États de Blois pour un poème dramatique.

Non, quand nous insistons auprès de M. Hugo pour qu’il encadre ses drames dans les événemens accomplis au siècle qu’il choisit, nous ne prétendons pas lui imposer l’histoire, et l’obliger à être complet dans le sens littéral et didactique du mot. Il n’y a que les chroniques représentées devant la cour d’Élisabeth qui prennent un siècle tout entier et le découpent en actes et en scènes comme un événement unique. Elles ont pu le faire impunément ; mais le temps est passé pour ces hardies tentatives que le génie absout, et ne doit plus revenir. Si le joyeux braconnier de Strafford a pu, sans blesser ses contemporains, traduire sur la scène les biographies de Plutarque et les récits de Hollinshed, ce n’est pas une raison pour recommencer la même tâche, deux siècles plus tard. Et si l’on adopte un événement unique, je ne crois pas non plus qu’il faille suivre à la trace la parole de l’historien ; car l’histoire et la poésie sont deux choses distinctes, et n’ont pas les mêmes droits. Tacite lui-même, grand peintre, grand philosophe, grand poète, dans ses annales et ses histoires, n’aurait pas envisagé la biographie romaine de même façon, si Rome avait eu un théâtre national, et s’il eût voulu lutter avec Sophocle au lieu de lutter avec Thucydide. Il aurait étudié d’un autre œil Tibère et Néron, Claude et Agrippine.

Mais je ne puis pas amnistier les omissions volontaires de M. Hugo. À l’exception de Marot et de Saint-Vallier, il n’y a