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LE ROI S’AMUSE.

Mon unique trésor ! — Mes bons seigneurs ! par grâce !
Qu’est-ce que vous voulez à présent que je fasse !
Sans ma fille ! .............
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Ah Dieu ! vous ne savez que rire ou que vous taire !
C’est donc un grand plaisir de voir un pauvre père
Se meurtrir la poitrine, et s’arracher du front
Des cheveux que deux nuits pareilles blanchiront !

La critique perd ses droits et se résigne aux larmes et à l’admiration ; une pareille douleur, si noblement exprimée, légitime la cruauté de la vengeance.

Les aveux et la confusion de Blanche produiraient une émotion plus sûre, et surtout plus chaste, si le repentir était moins près de la faute, si la pensée ne se reportait involontairement vers le théâtre même de la séduction.

La maison sans nom et sans chiffre, où le roi vient faire débauche, a le double inconvénient de blesser la pudeur des femmes et de paraître fort innocente à l’esprit sévère des spectateurs. Les manières de Magdelonne disent assez ce qu’elle vaut, et d’ailleurs son frère a pris soin de l’expliquer au second acte ; mais il semblerait tout naturel que le roi la prît au moins sur ses genoux : il est bien entendu que cette remarque n’est pas un conseil. Je ne crois pas qu’on doive bannir les courtisanes de la scène ; mais le vice ne devient poétique que par l’entraînement et l’énergie : mesquin et timide, il n’est que vulgaire. La substitution de Blanche au roi serait une chose toute simple dans un imbroglio espagnol, dans une de ces hardies comédies de cape et d’épée, où les incidens se pressent et se multiplient comme les épis dans un champ doré. Mais dans une fable aussi claire, aussi limpide, elle fait tache et pousse à l’incrédulité. Je conçois que le désespoir fasse désirer la mort à cette pauvre fille. La mort ! puisqu’elle n’a plus rien à espérer. Mais qu’elle veuille sauver l’homme qui la trompe si indignement, c’est aller trop loin. Elle peut se tuer, le regretter en mourant ; mais le sauver au prix de ses jours ! un pareil sacrifice est improbable.

J’arrive au dénouement. Triboulet est seul avec le cadavre. Il