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sur la scène du monde étaient disposées pour sa venue. Ce n’est jamais dans la période impétueuse, au début ni au milieu des commotions publiques, que chante le poète dont l’époque saluera la voix ; c’est plutôt au déclin, aux environs des dernières crises, quand la force sociale s’arrête de lassitude, fait trêve à son tumulte et s’entend gémir. L’air est vibrant au loin et embrasé, mille feux s’y croisent : ce qui flotte alors et pèse sur tous, décharge son étincelle sur un seul ; les derniers coups de l’orage allument une âme !

L’être complet dans la nature immense,
Le germe heureux, fils de l’onde ou des airs,
Tout fruit parfait, béni dans sa semence,
Le gland du chêne ou la perle des mers,
Petit ou grand, il est un univers.
Pour qu’il surgisse et que son jour commence,
La terre exprès tourne les élémens ;
Le temps n’est rien ; lenteurs, avortemens,
Par où la vie à lui seul se prépare,
Ne coûtent point à la nature avare.
Non qu’en sa marche et ses nombreuses lois
L’Esprit caché n’ait qu’un but à la fois :
Mais au déclin de plus d’un vaste orage,
Le vœu qui rit à l’éternel dessein,
C’est qu’emportant l’étamine volage
Zéphire ému mène à bien son larcin ;
C’est qu’un nid d’or éclose au vert feuillage,
Ou que la perle, accordée à la plage,
Sombre Océan, jaillisse de ton sein !
En s’enfuyant, la tempête qui gronde,
Purifiée, attiédie et féconde,
Dépose un feu, crée un être en ce monde,
S’émaille en fleurs ou voltige en essaim !

Même ordre encor dans l’histoire vivante ;
Cher Béranger, ne dis pas que j’invente.

La république, aux débuts immortels,
L’éclair au front, la main sur les autels,