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SCÈNES HISTORIQUES.

tige, et dont le bruissement mélancolique est si bien en harmonie avec les vagues rêveries d’un amour jeune et heureux.

Le duc le reçut comme un ami ; il invita le même jour à dîner plusieurs jeunes et nobles seigneurs, pour faire fête à l’arrivant : le soir il y eut réception et jeu chez le duc. Le sire de Gyac était le héros de la soirée, comme il l’avait été du jour ; chacun lui demandait des nouvelles de la belle Catherine, qui avait laissé plus d’un souvenir dans le cœur des jeunes seigneurs. Le duc paraissait préoccupé, mais son front riant annonçait que c’était d’une pensée joyeuse.

De Gyac, pour échapper aux complimens des uns, fuir les plaisanteries des autres, et plus encore pour se soustraire à la chaleur de la salle de jeu, se promenait avec son ami le sire de Graville, dans la première des chambres dont la suite formait l’appartement du duc. Comme il n’y était installé que de la veille, le service des valets, pages et écuyers, était encore si mal organisé, qu’un paysan pénétra dans cette première pièce, sans y être conduit par personne, et s’adressa au sire de Gyac, pour savoir comment il pourrait remettre une lettre au duc de Bourgogne lui-même.

— De quelle part ? lui dit Gyac.

Le paysan parut embarrassé, et renouvela sa question.

— Écoute, lui dit Gyac, il n’y a que deux moyens : le premier, c’est de traverser avec moi ces salons remplis de riches seigneurs ou de nobles dames, parmi lesquels un manant comme toi ferait une singulière tache ; le second, c’est d’amener ici le duc, ce qu’il ne me pardonnerait pas, si la lettre que tu lui apportes ne méritait pas la peine qu’il aurait prise, ce dont j’ai peur.

— Comment faire alors, monseigneur ? dit le manant.

— Me donner cette lettre, et attendre ici la réponse ; — et avant que le paysan eût eu le temps de la retenir, il avait pris la lettre entre ses deux doigts, l’avait lestement tirée des mains du messager, et s’acheminait, donnant toujours le bras à Graville, vers la chambre du fond.

— Pardieu ! dit celui-ci, à la manière dont la missive est pliée, à la finesse et au parfum du vélin sur lequel elle est écrite, cela m’a bien l’air d’un billet amoureux.