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nœuvres et de se servir de tels hommes, remonta sur le perron au bas duquel il se repentait déjà d’être descendu. L’homme du peuple l’y suivit, promena ses yeux sur cette multitude pour savoir si elle était prête à entendre ce qu’on avait à lui dire ; puis se retournant vers le prince : « Parlez maintenant, mon duc, dit-il, on vous écoute ; » et il se coucha à ses pieds, comme un chien à ceux de son maître.

En même temps quelques seigneurs, qui étaient au duc de Bourgogne, étant arrivés de l’intérieur de l’hôtel Saint-Paul, se rangèrent derrière lui, prêts à lui prêter assistance, si la chose devenait nécessaire. Le duc fit un signe de la main ; un chut impérieux et prolongé sortit comme un grognement de la bouche de l’homme à la cotte rouge, et le duc prit la parole :

« Mes amis, dit-il, vous me demandez du pain. Il m’est impossible de vous en donner ; c’est à peine si le roi et la reine en ont pour leur table royale : vous feriez bien mieux, au lieu de courir sans fruit à travers les rues de Paris, d’aller mettre le siége devant Marcoussis et Montlhéry, où sont les Dauphinois[1]; vous trouveriez des vivres dans ces villes, et vous en chasseriez les ennemis du roi, qui viennent tout ravager jusqu’à la porte Saint-Jacques, et qui empêchent de faire la moisson. »

— Nous ne demandons pas mieux, dit la foule tout d’une voix, mais que l’on nous donne des chefs.

— Sires de Cohen et de Rupes, dit le duc en tournant la tête à demi par-dessus son épaule, et en s’adressant aux seigneurs qui étaient derrière lui, voulez-vous une armée ? je vous la donne.

— Oui, monseigneur, répondirent-ils en s’avançant.

— Mes amis, continua le duc, en s’adressant au peuple et en lui présentant ceux que nous venons de nommer, voulez-vous ces nobles chevaliers pour chefs ? je vous les offre.

— Eux ou tous autres, pourvu qu’ils marchent devant.

— Alors, messeigneurs, à cheval, dit le duc, et vitement, ajouta-t-il à demi-voix.

  1. C’est ainsi que depuis la mort du comte d’Armagnac on nommait les partisans du Dauphin.