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objet ; mais il faudrait, pour cela, entrer dans des détails variés sur les historiens originaux de la croisade albigeoise, et c’est un sujet trop vaste pour mon but et pour mon plan. Tout ce que je puis vous dire des historiens dont il s’agit, c’est que tous furent des ecclésiastiques, hommes instruits pour leur époque, ayant écrit en latin, sinon avec élégance, du moins avec une certaine correction ; sinon avec talent, du moins avec intelligence et véracité, partisans zélés et sincères de la croisade et de son héros, Simon de Montfort.

Les différences qu’il y a entre ces historiens et le nôtre sont nombreuses et aussi tranchées que possible : mais, encore une fois, elles ne portent point sur le fond des événemens ; elles portent sur la manière de les sentir et de les rendre. Les récits des premiers sont secs, abstraits, sans mouvement, sans vie, sans caractère, destinés à un petit nombre d’hommes instruits, pour la plupart membres du clergé, qui n’y cherchaient guère que des formules de foi et de latinité. Ce sont des récits aussi savans, aussi relevés, aussi classiques que pouvait les faire alors le commun des hommes cultivés et lettrés.

Les récits de notre historien sont des récits souvent incultes et mal ordonnés, mais abondans, développés, entremêlés de traits qui peignent au vif les mœurs publiques et l’esprit des masses du peuple ; des récits relevés de scènes dramatiques, où sont vivement mis en jeu les passions, les idées et les intérêts des principaux personnages. En un mot, ce sont des récits populaires qui, avec l’incorrection, le désordre, la rudesse de tout ce qui est populaire, en ont aussi la vie, la vérité et l’énergie. Dans ce sens, encore bien qu’ils soient strictement vrais et d’accord avec les faits, on peut, néanmoins, dire qu’ils sont poétiques et même d’une poésie très-marquée.

La meilleure manière de justifier et de développer ce jugement, c’est de vous traduire quelques passages de l’ouvrage auquel il s’applique, en les accompagnant, au besoin, des indices et des notices nécessaires pour en faire mieux apprécier le caractère historique ou poétique ; je choisirai de préférence ces passages parmi ceux qui ont rapport aux événemens les plus graves et les plus célèbres de la guerre des Albigeois.