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CHRONIQUE DES ALBIGEOIS.

littéraire du plus haut intérêt, c’est cette combinaison intime, cette fusion de l’histoire et de la poésie, dans un seul et même but, pour un seul et même effet. L’auteur de cet ouvrage ne se nomme nulle part, et n’est point connu d’ailleurs ; mais il donne sur lui-même autant d’indices et de renseignemens qu’il en faut pour apprécier sa compétence et ses moyens d’information comme historien. À la manière dont il désigne son pays, on ne peut guère douter qu’il ne fût né dans le comté de Toulouse, et peut-être à Toulouse même. C’est du moins ce que l’on est porté à conclure de la précision minutieuse avec laquelle il décrit, dans l’occasion, l’intérieur et les dehors de cette ville, et des effusions d’admiration et de tendresse avec lesquelles il en parle fréquemment.

C’est probablement aussi à Toulouse qu’il avait assisté, comme il le raconte, aux fêtes du mariage de Raymond vi avec Éléonore, l’une des sœurs de Pierre ii, roi d’Aragon, et qu’il avait vu ce jeune Roger, vicomte de Béziers, dont il devait, quelques années plus tard, raconter la mort tragique.

Notre historien anonyme n’embrasse point la suite entière de la guerre des Albigeois : son récit ne comprend que les événemens qui se passèrent de 1209 à 1219 inclusivement. Il avait certainement vu lui-même une partie des choses qu’il raconte. Quant à celles qu’il n’avait point vues, il cite d’ordinaire les témoins d’après lesquels il en parle : or, ces témoins sont tous des hommes qui ne racontaient que ce qu’ils avaient vu faire, ou fait eux-mêmes ; ce sont ses compatriotes, ses amis, des personnages dont il avait tous les moyens possibles d’apprécier les paroles, les passions, les sentimens.

Il y a quelques-uns de ces personnages que notre auteur se borne à désigner vaguement par leurs qualifications de prêtres, de chanoines, de clercs ; mais il y en a d’autres qu’il désigne par leurs noms. Tel est un maître Pons de Mala, prêtre de Navarre, envoyé par le roi de ce pays au concile dans lequel fut résolue la croisade contre les Albigeois. Tels sont encore un maître Nicolas ; et un prieur nommé Izarn, dont le bénéfice était situé dans le pays de Foix.

On ne sait rien des deux premiers, mais le troisième, ce prieur