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GEOFFROI ET BRUNISSENDE.

bout d’un moment, les cris cessent, et les deux damoiseaux, subitement revenus de leur fureur, rappellent courtoisement Geoffroi. Celui-ci n’a garde de les écouter, et leur reproche leur brutale extravagance. Toutefois ils lui font tant d’excuses et de prières, lui donnent tant d’assurances de ne plus lui faire aucun mal, qu’il cède de nouveau, et se remet en route avec eux. Seulement les deux damoiseaux le conjurent, et il leur promet de ne pas réitérer sa question.

Au bout de quelques instans, ils arrivent à un château petit, mais agréable, et les deux chasseurs présentent Geoffroi à leur père et à leur sœur, jeune et gentille demoiselle. Notre chevalier est accueilli et traité avec toutes les recherches de l’hospitalité la plus cordiale, si ce n’est que l’on élude diverses questions qu’il a bien envie et qu’il aurait besoin de faire.

Le seigneur de ce château était un brave et courtois chevalier qui avait été fort ami du père de Geoffroi, et fut charmé de faire connaissance avec ce dernier. Il voudrait bien le retenir quelque temps ; mais Geoffroi est si pressé de rejoindre Taulat, qu’il consent à peine à passer la nuit dans le château. Du reste, il la passe tranquillement et sans aventure. Le matin venu, il se remet en chemin, accompagné d’Auger et de ses deux fils, qui ne veulent omettre à son égard aucune marque d’amitié et de courtoisie.

Geoffroi chevauche avec ses trois hôtes, satisfait d’eux, mais soucieux, taciturne, tourmenté de la curiosité de savoir la raison de tout le bruit et de tous les cris qu’il a entendus, et n’osant plus faire de question à ce sujet. Auger s’aperçoit de son embarras, et lui en demande amicalement la cause, en protestant de son désir empressé de faire tout ce qui pourra le dissiper. Rassuré par cette provocation bienveillante, Geoffroi n’y tient plus, il demande de nouveau pourquoi les gens du pays crient et se lamentent si fort à certaines heures du jour et de la nuit. — Méchant bâtard ! indigne chevalier ! c’est ta mort que tu as demandée, lui crie alors Auger en s’élançant sur lui pour le frapper et l’arrêter. — Tenez, tenez-le bien ! crient à celui-ci ses deux fils, qu’il ne nous échappe pas ! Mais Geoffroi leur échappe d’un bond de son cheval ; et en un clin d’œil hors de portée d’eux, il les regarde