tous vaillans, avenans, preux et merveilleux chevaliers ; car, par l’amour, tout homme devient meilleur et plus brave, plus libéral et plus joyeux, plus ennemi de toute bassesse. »
De là, le poète revient à Brunissende dont il se complaît à décrire la beauté sans pareille. « Mais, ajoute-t-il, il y a sept ans qu’elle est livrée au plus noir chagrin, dont elle a quatre accès par jour et trois par nuit ; accès violens jusqu’à l’extravagance, dans lesquels elle pleure, se lamente et crie si fort, que c’est merveille qu’elle y résiste : et il n’y a pas un habitant du château, vieux ou jeune, homme ou femme, chevalier ou vilain, qui ne fasse exactement la même chose qu’elle, qui n’ait de même, et aux mêmes heures du jour et de la nuit, les mêmes accès de désolation. »
Geoffroi est, comme on voit, tombé en lieu étrange. Arrivé à la porte du beau jardin, il y entre, ôte le frein à son cheval, se jette sur l’herbe et s’endort aussitôt d’un sommeil que ne romprait pas le bruit du tonnerre.
Cependant l’heure était venue où la belle Brunissende avait coutume de se retirer pour dormir ; elle était dans l’usage, avant de se mettre au lit, de prêter l’oreille au ramage des innombrables oiseaux de son verger. Mais cette nuit, à sa grande surprise, elle n’entend pas un seul gazouillement. C’est un signe certain, pour elle, que quelque animal ou quelque chevalier étranger s’est introduit dans le verger, et elle donne aussitôt à son sénéchal l’ordre de descendre au jardin, et d’en chasser l’intrus, homme ou bête.
Le sénéchal obéit ; il trouve Geoffroi endormi, le réveille à force de le secouer et de le frapper, et lui intime l’ordre de se lever et de comparaître devant sa dame, pour lui rendre raison de la liberté qu’il a prise de s’introduire dans son jardin, et d’y effaroucher les oiseaux. Geoffroi, très-mécontent d’être réveillé, refuse d’obéir. Là-dessus, un combat s’engage entre les deux champions ; le sénéchal est abattu, il va conter sa mésaventure à sa dame, et Geoffroi se rendort.
Un second chevalier est envoyé pour exécuter l’ordre de Brunissende. Il est traité comme le sénéchal. Un troisième est traité