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la tyrannie des parens. Ce fut donc comme contrainte et forcée, que la veille de l’Ascension, elle se laissa conduire par don Inigo à San Esteban, où son mariage fut célébré en grande pompe au maître-autel ; ce fut sans doute aussi bien malgré elle qu’elle parut le soir radieuse et magnifique à l’Alameda, près de son mari, dans le beau carrosse à draperies bleues, attelé des quatre mules, à l’indicible admiration de toute la ville.

IV.

La fête de la reine, la Sainte-Christine, approchait. Il n’était bruit à Ségovie que des préparatifs qui se faisaient au sitio pour ce jour de baise-main et de grand gala. Les eaux des fontaines devaient jouer dans la matinée, le parterre et la grande cascade devaient être illuminés le soir en verres de couleurs. Aussi chacun se promettait bien d’aller passer cette journée à Saint-Ildefonse, afin d’y voir toutes ces belles choses.

Paquita ne songeait pas, sans une assez vive inquiétude, à cette fête, où son mari voulait la conduire. Elle pensa même d’abord à ne point s’y rendre !

Mais les dames les plus élégantes de Ségovie y allaient à pieds ou en calesin[1] ! — Elle seule irait dans une splendide voiture ! —

Et puis elle avait promis à Lorenzo de s’y trouver, et cette promesse-là, nul ne l’empêchait de la tenir ! — Elle pouvait le faire d’autant mieux qu’il n’y avait guère de chances pour elle de retrouver là son ancien amant ! — Si elle le rencontrait pourtant, combien ne se sentirait-elle pas confuse et troublée ! — Mais il ne viendrait pas assurément ! Depuis un an qu’elle n’en avait plus entendu parler, ne semblait-il pas à jamais enseveli dans son cloître ?

Quoi qu’il en soit, et quel que fût le motif qui l’eût décidée, le dimanche vingt-quatre juillet, jour de la Sainte-Christine, dès le matin, Paquita était arrivée en grande toilette à Saint-Ildefonse, et le soir, vers huit heures, donnant le bras à son mari,

  1. Petit cabriolet.