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nocentes. Une clé complaisante se trouva qui ouvrit à Lorenzo une porte dérobée de la maison de l’alcade. Avant d’avoir pu prévoir et comprendre leur faute, les deux enfans s’étaient déjà donnés tout entiers l’un à l’autre.

II.

Lorenzo et Paquita s’enivraient ainsi d’amour, insoucieux de l’avenir et ne songeant qu’à profiter de leur bonheur. Mais il se préparait des événemens qui menaçaient, sinon de le détruire tout-à-fait, au moins de le traverser pour long-temps.

Une nuit, c’était le lendemain de celle de la Sainte-Christine, Paquita épiait, depuis une heure à sa croisée, l’arrivée de Lorenzo, qui se faisait attendre contre son ordinaire.

Enfin, quelqu’un parut dans la rue, se glissant le long des maisons. C’était lui. La jeune fille descendit doucement lui ouvrir la petite porte.

— Comme tu viens tard, dit-elle, se jetant à son cou, voici qu’il est minuit ! Et puis je ne t’ai pas vu sortir de chez toi ; où étais-tu donc allé à pareille heure ?

Lorenzo avait pris dans ses mains la petite tête de la charmante enfant, et, la pressant sur son cœur, sans répondre, lui baisait les cheveux et le front.

Mais elle sentit que des larmes tombaient sur son visage.

— Oh ! mon Dieu, est-ce que tu pleures ? s’écria-t-elle, se renversant en arrière, et levant vers lui ses beaux yeux.

— Oui, je pleure, et j’ai bien sujet de pleurer, mon amour ! on nous sépare, je viens du Parral, et le père supérieur veut que je parte demain. Il m’envoie à Madrid, faire mon noviciat dans un couvent de son ordre.

— Eh bien ! est-ce que tu me laisseras ? s’écria Paquita, assez vivement émue d’abord, et effrayée de ce projet, qui menaçait de déranger sa vie, qu’elle trouvait douce et heureuse.

— Non, mon bien, je ne t’abandonnerai pas. Tu viendras avec moi. Nous fuirons ensemble. J’y ai songé déjà, vois-tu, je ne possède rien ; mais, avec notre amour, avons-nous besoin d’une autre fortune ? Nous irons à Salamanque, et nous nous y