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DE LA CHINE.

Grande hardiesse qui aurait pu perdre Sé-ma-Kouaug, et pourtant lui réussit !

Tel était l’homme qui composa une vaste histoire, embrassant un espace de 1362 ans, où les faits, disposés chronologiquement, forment, suivant l’expression chinoise, comme un vaste tissu, dont la chaîne suit l’ordre des temps, et dont la trame s’étend à tout l’empire. C’est, dit M. Rémusat, expliquant cette métaphore, une chronique où tous les faits sont ramenés à un ordre unique, au lieu d’être classés, comme chez Ssé-ma-thsian, en différentes parties, consacrées à la biographie, à l’histoire des arts et des institutions. Mais, des lettrés chinois auxquels M. Rémusat a consacré des biographies, nul n’en était plus digne que Ma-Touanlin, qui vivait au xiiie siècle, au commencement de la dynastie des Mongols. Ce savant, après vingt ans de travaux assidus, publia un ouvrage en cent volumes, qui contiennent la valeur d’environ vingt ou vingt-cinq de nos in-quarto, et dans lequel toutes les parties de l’érudition chinoise sont traitées avec une profondeur et un savoir sur lesquels il n’y a qu’une voix en Chine et en Europe. Cet ouvrage, intitulé Recherches approfondies des anciens Monumens, dit M. Rémusat, vaut à lui seul toute une bibliothèque, et quand la littérature chinoise n’en offrirait pas d’autres, il vaudrait la peine qu’on apprît le chinois pour le lire[1].

On voit que l’attention de M. Rémusat était tournée surtout vers la partie grave et positive de la littérature chinoise, vers tout ce qui tenait à l’érudition et à l’histoire ; quant à la littérature proprement dite, aux ouvrages d’imagination, il les estimait moins, pas assez peut-être. Il est vrai que ce n’est pas la poésie qui est le côté brillant de la Chine ; là point de ces vastes épopées, qui, comme dans l’Inde et la Perse, contiennent d’antiques traditions nationales. L’écriture a été trouvée trop tôt, on n’a pas eu le temps de chanter ; l’histoire a suivi de près l’écriture, l’histoire a ab-

  1. On ne trouvera pas cet éloge exagéré, si on parcourt les titres des livres donnés par M. Rémusat (mal. as. t. ii, p. 417), et surtout le sommaire des objets qu’ils contiennent, inséré par M. Klaproth, dans le journal asiatique de 1832. (Numéros de juillet et août.)