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chinois beaucoup de caractères entièrement différens et exprimant des idées entièrement différentes, auxquels une même syllabe correspond dans la prononciation. Eh bien ! chacun de ces caractères peut être employé à peindre le son des divers mots japonais, synonymes des nombreux mots chinois auxquels correspond une syllabe commune. Ainsi le même signe peut servir à écrire des mots qui diffèrent entre eux à la fois par le son et par le sens. Je n’ai pas l’espoir de rendre bien sensible cette obscurité, quoique j’omette à dessein diverses circonstances qui la redoublent encore ; j’espère seulement que l’impuissance même de mes efforts pour exprimer toute la difficulté que présente ce second système d’écriture, la fera sentir jusqu’à un certain point.

Quant au troisième, il est beaucoup plus aisé à comprendre. Pour le former, il a suffi de prendre un certain nombre de caractères chinois, sous une forme abrégée, de faire complètement abstraction de leur sens, et de charger chacun d’eux de représenter d’une manière constante, dans la langue japonaise, le son de la syllabe à laquelle il correspond en chinois. Ceci est un véritable syllabaire. Ce qu’il offre d’intéressant, c’est de montrer comment s’opère le passage d’une écriture qui représente les idées et les objets, à une écriture qui représente les sons. On surprend ici l’esprit humain s’élevant de l’hiéroglyphe à l’écriture syllabique. Une fois arrivé là, il ne s’arrêtera pas en chemin ; il n’aura qu’à choisir parmi les signes attribués aux syllabes un plus petit nombre de signes, et les appliquer aux lettres, pour que l’alphabet soit trouvé. Tel a été probablement partout la marche des choses. Il est vraisemblable que partout les lettres ont été, dans l’origine, des hiéroglyphes, d’abord idéographiques, puis phonétiques, d’abord signes d’idées, puis de syllabes ou d’articulations simples ; ce qui n’était qu’une hypothèse au temps de Court de Gebelin, s’est réalisé en fait par le passage de l’écriture chinoise au syllabaire japonais : on pourrait objecter qu’un syllabaire n’est pas un alphabet, et que le dernier terme de la progression n’a pas été atteint ; mais M. Rémusat a complété ce tableau du développement progressif de l’écriture, en trouvant chez les Coréens un véritable alphabet de vingt-quatre lettres, construit avec des