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DE LA CHINE.

tingue si peu, me semble indiquer les habitudes et la sagacité exercée d’un peuple chasseur. Du reste, point encore de ces animaux fantastiques qui, depuis, ont joué un si grand rôle dans les traditions chinoises. Parmi les végétaux, on ne trouve ni le froment, ni l’orge, mais le riz, le millet, et un petit nombre de plantes potagères, ce qui semble indiquer de faibles commencemens de culture.

Tel est le degré de civilisation peu avancé ou en étaient les Chinois, quand ils inventèrent l’écriture. M. Rémusat remarque avec raison que les deux cents images distribuées en dix ou douze groupes, suivant la nature des objets qu’elles expriment, et considérées isolément, ramènent toujours au même résultat et conduisent à des conclusions qui se confirment réciproquement, sans que rien vienne les infirmer ou les démentir. « On voit, dit-il, que ceux qui employaient ces signes étaient à peu près au même degré d’habileté en astronomie, en économie rurale, en histoire naturelle ; qu’ils n’étaient ni plus savans, ni plus ingénieux, ni meilleurs, qu’il ne convient de supposer une réunion de familles sauvages sur un sol encore couvert de forêts dont nulle main n’a fouillé le sein ni fertilisé la surface. On croirait voir les tribus de la Nouvelle-Zélande ou des Îles des Amis s’essayant, dans l’enfance de la société, aux arts qui marquent la naissance de la civilisation. »

Mais faisons une remarque importante. Ces tribus sauvages, dont parle M. Rémusat, n’ont point inventé un système d’écriture qui subsiste depuis quatre ou cinq mille ans, qui, en se perfectionnant, s’est accommodé aux besoins d’un grand empire civilisé et d’une littérature immense. C’est un résultat prodigieusement curieux du travail de M. Rémusat de voir l’écriture naître, pour ainsi dire, avant la société. Il serait fort intéressant de suivre l’influence de cette précocité de l’écriture, et d’une écriture idéographique, sur la langue parlée. Il me semble probable que là est l’origine du monosyllabisme et de la pauvreté de cette langue. En général, l’écriture est inventée plus tard, quand les langues sont déjà plus riches ; d’ailleurs, un système alphabétique se plie à toutes les variations, à toutes les flexions, à toutes les combinaisons nouvelles de la parole ; il les suit et les reproduit par sa mo-