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DE LA CHINE.

Hammer, parut, de 1813 à 1814, un opuscule que M. Rémusat avait d’abord écrit en latin, et qu’il a depuis traduit en français. L’auteur n’en est déjà plus à l’enthousiasme du noviciat, mais la jeunesse se trahit par une certaine tendance à l’exagération qui touche au paradoxe. C’en est un véritable de contester au chinois sa nature monosyllabique. D’abord, et c’est la plus mauvaise raison de M. Rémusat, il est, dit-il, certains mots qu’on ne peut prononcer sans les diviser en plusieurs syllabes, tels que thsi-ao-phie-e-ou, etc. C’est arguer très-à tort de notre écriture contre la prononciation chinoise, qu’alors il n’avait eu aucune occasion de connaître ; il suffisait, pour ne pas tomber dans cette erreur, de remarquer que ces mots et leurs analogues ne comptent dans les vers chinois que pour des monosyllabes. Les autres allégations sont plus spécieuses, et contiennent même une vérité, savoir que les Chinois ont formé, par la réunion de plusieurs mots monosyllabiques, des expressions qu’on peut appeler, si l’on veut, polysyllabiques. Il n’en est pas moins vrai que chacune des syllabes dont elles sont composées est un mot à part, auquel correspond un caractère distinct ; car qui distingue un mot d’un autre mot, si ce n’est l’écriture qui les sépare ? Jusqu’à ce qu’on trouve en chinois un mot de deux syllabes, représenté par un seul caractère, il sera donc vrai de dire que le chinois est une langue monosyllabique. — J’ai insisté sur ce point, parce que M. Rémusat n’a jamais assez complètement abandonné ce paradoxe sans importance, qui avait séduit sa jeunesse.

Du reste, dans ce mémoire, M. Rémusat montrait beaucoup de justesse d’esprit en défendant la langue chinoise de l’imputation d’obscurité forcée dont on l’avait chargée sans la connaître. Il faisait voir par quels artifices les Chinois réparent les inconvéniens d’une langue dont chaque mot est inflexible, comment, au moyen de particules ajoutées aux substantifs et aux verbes, ils parviennent aux résultats qu’atteignent d’autres peuples par des désinences ou des prépositions. Il faisait voir que, quoi qu’on en eût dit, partout où les hommes parlent et écrivent, ils s’y prennent de manière à s’entendre. À cette époque, les idées de M. Rémusat, sur le parti à tirer de l’étude de la langue chinoise, n’avaient pas la précision qu’elles ont acquise depuis ; mais elles