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REVUE DES DEUX MONDES.

Ton noble accueil enchante, orné de négligence.
Tu sais l’âge où tu vis et ses futurs accords ;
Ton œil plane ; ta voile, errant de bords en bords,
Glisse au cap de Circé, luit aux mers d’Artémise ;
Puis l’Orient t’appelle, et sa terre promise,
Et le Mont trois fois saint des divines rançons !
Et de là nous viendront tes dernières moissons,
Peinture, hymne, lumière immensément versée,
Comme un soleil couchant ou comme une Odyssée !…

Oh ! non, tout n’était pas dans l’éclat des cheveux,
Dans la grâce et l’essor d’un âge plus nerveux,
Dans la chaleur du sang qui s’enivre ou s’irrite !
Le Poète y survit, si l’Ame le mérite ;
Le Génie au sommet n’entre pas au tombeau,
Et son soleil qui penche est encor le plus beau !

Depuis les premières Méditations jusqu’aux Harmonies, Lamartine est allé se développant avec progrès, dérivant de plus en plus de l’élégie à l’hymne, au poème pur, à la méditation véritable. Il y a bien de la grandeur dans son volume de 1820 ; il est merveilleusement composé sans le paraître ; le roman y glisse dans les intervalles de la religion ; l’Élégie éplorée y soupire près du Cantique déjà éblouissant. Le point central de ce double monde, à mi-chemin des Hauts lieux et du Vallon, le miroir complet qui réfléchit le côté métaphysique et le côté amoureux, est le Lac, le Lac, perfection inespérée, assemblage profond et limpide, image une fois trouvée et reconnue par tous les cœurs. Rien ne saurait donc être plus achevé en soi que ce premier volume des Méditations. Mais, depuis lors, le poète n’a cessé de s’étendre aux régions ultérieures dans des dimensions croissantes. Les secondes Méditations en offrent assez de preuves, les Étoiles, les Préludes par exemple. Et avec cela, elles ont l’inconvénient de toute transition, moins bien composées et un peu indécises dans leur ensemble. Le roman n’a pas disparu, la nacelle flotte toujours ; mais nous sommes à Ischia, mais ce n’est plus le nom d’Elvire que la brise murmure. Et pourtant Elvire elle-même revient : le Crucifix l’atteste en assez immortels accens. Pourquoi donc alors ce Chant d’Amour tout aussitôt après le Crucifix ? Poè-