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REVUE DE VOYAGES.

n’y avait pas même l’ombre d’une ombre de quelque événement qui pût lui servir de base. Les résultats de cette étonnante affaire étaient détaillés dans les lettres en question, avec toutes leurs circonstances : dix-huit mille Français avaient été tués dans la grande place, où ils avaient pénétré en escaladant les montagnes de chaises et de tables empilées dans les rues. Les premiers rapports évaluaient la perte des Français, dans cet endroit, à trente-deux mille hommes ; non, trente en nombre rond, mais trente-deux. Les plus récens réduisaient néanmoins les morts à dix-huit mille, quantité plus raisonnable. »

M. Hall rapporte, dans un autre endroit, un fait assez curieux, qu’il raconte avec une rare modestie, ayant peur, dit-il, de ne pas être cru de ses lecteurs : il s’agit d’un saut de vingt pieds de haut, qu’il vit exécuter à une baleine dans la rade de Saint-Georges, aux Bermudes. Ce fait, quoique rare, n’a rien de bien extraordinaire, et nous avons été nous-même témoin d’une circonstance analogue et encore plus intéressante. Étant, au mois d’octobre 1825, sur les côtes du Brésil, près de Bahia, par un temps et une mer superbes, deux baleines vinrent se livrer sous nos yeux, pendant près d’une heure, à des jeux qui étaient probablement des préludes amoureux. Ces deux monstres se dressaient à chaque instant sur leurs queues, de manière à découvrir leur corps en entier, puis se laissaient retomber avec un bruit pareil à celui du canon. Ils se poursuivaient, se frottaient l’un contre l’autre, et nous les vîmes à plusieurs reprises bondir à une hauteur qui égalait au moins celle mentionnée par M. Hall. Insensiblement ils s’éloignèrent, et nous les perdîmes de vue.

L’ouvrage du capitaine Hall pourrait être très-utile à la classe de jeunes gens qui, parmi nous, se destinent à la même carrière que ceux pour lesquels il a été composé ; ils y trouveraient d’excellens conseils pour leur conduite future, comme officiers, car si le régime de la marine anglaise diffère quelque peu du nôtre, les officiers des deux nations n’en ont pas moins des devoirs parfaitement analogues à remplir. Ces six petits volumes deviendraient également les compagnons du passager, et contribueraient à lui faire oublier la longue monotonie de la plupart des traversées sur mer.


Théodore Lacordaire.