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vocation invincible, cette vie n’était pas à la merci d’un heureux hasard : il ne pouvait manquer un jour ou l’autre de conquérir lui-même en plein et de faire retentir par le monde son divin organe. La nuée de colombes pressées dont il parle, devait tôt ou tard échapper bruyamment de son sein.

Cependant l’absence habituelle où Lamartine vécut loin de Paris et souvent hors de France, durant les dernières années de la restauration, le silence prolongé qu’il garda après la publication de son chant d’Harold, firent tomber les clameurs des critiques qui se rejetèrent sur d’autres poètes plus présens : sa renommée acheva rapidement de mûrir. Lorsqu’il revint au commencement de 1830 pour sa réception à l’Académie française et pour la publication de ses Harmonies, il fut agréablement étonné de voir le public gagné à son nom et familiarisé avec son œuvre. C’est à un souvenir de ce moment que se rapporte la pièce de vers suivante, dans laquelle on a tâché de rassembler quelques impressions déjà anciennes et de reproduire, quoique bien faiblement, quelques mots échappés au poète, en les entourant de traits qui peuvent le peindre. — À lui, au sein des mers brillantes où ils ne lui parviendront pas, nous les lui envoyons, ces vers, comme un vœu d’ami durant le voyage !

Un jour, c’était au temps des oisives années,
Aux dernières saisons, de poésie ornées
Et d’art, avant l’orage où tout s’est dispersé,
Et dont le vaste flot, quoique rapetissé,
Avec les rois déchus, les trônes à la nage,
A pour long-temps noyé plus d’un secret ombrage,
Silencieux bosquets mal à propos rêvés,
Terrasses et balcons, tous les lieux réservés,
Tout ce Delta d’hier, ingénieux asile,
Qu’on devait à quinze ans d’une onde plus facile !

De retour à Paris après sept ans, je crois,
De soleils de Toscane ou d’ombre sous tes bois,
Comptant trop sur l’oubli, comme durant l’absence,
Tu retrouvais la gloire avec reconnaissance.
Ton merveilleux laurier sur chacun de tes pas
Étendait un rameau que tu n’espérais pas ;