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LE CLOU DE ZAHED.

Pendant quelques jours, Zahed ne mit pas les pieds au palais. Mais le soir, en se couchant, les deux époux remarquèrent au clou de Mohammed-Effendi un voile épais de mousseline blanche qui semblait envelopper et cacher quelque chose.

Hamdoun frémit involontairement, et colorant son effroi d’une pensée de respect pour la propriété d’autrui, il défendit à sa femme de chercher à connaître le secret de Mohammed-Effendi. Cette défense rendit plus vive encore la curiosité d’Ildiz ; elle entoura son mari de ses bras voluptueux, elle le couvrit de ses baisers et de ses caresses, elle le pria de lui permettre de soulever le voile qui cachait sans doute quelque nouvelle surprise ; mais Hamdoun fut inébranlable dans son obstination : il ne répondit aux pressantes sollicitations de sa femme que par un refus formel. Enfin il s’endormit dans ses bras, en formant mille projets pour se mettre désormais à l’abri des persécutions de ce Mohammed-Effendi, qui, à n’en pas douter, était éperdument épris des charmes de son Ildiz.

Mais qui peut se flatter de triompher de la curiosité d’une femme ? Quel homme peut dire : J’éteindrai cet incendie qui, semblable au phosphore, brûle dans l’eau et ronge les obstacles ? Le désir allumé dans l’imagination d’Ildiz s’accroissait à chaque instant ; ses beaux yeux, ouverts et fixés vers l’extrémité de la chambre, dévoraient, au milieu du silence de la nuit, ce voile mystérieux, que la pâle lumière d’une lampe faisait vaciller dans l’ombre, ainsi que l’ame d’un trépassé. Un affreux serrement de cœur lui disait en secret que ce mystère ne pouvait être éclairci que pour son malheur ; mais la curiosité, plus poignante encore que la crainte, la poussait, comme en dépit d’elle-même, à connaître ce secret, que ses vagues pressentimens lui peignaient sous les couleurs les plus sombres. Enfin, pendant le sommeil de Hamdoun, la tremblante Ildiz se dégagea de ses bras, et, demi-nue, le sein haletant, retenant le bruit de son haleine, elle posa ses pieds délicats sur le parquet ; puis, détachant la lampe qui se balançait doucement au plafond, et faisant à la flamme un transparent abri de sa belle main de rose, elle se glissa, pâle de crainte et de désir, auprès de ce voile mystérieux, dont les légers plis, agités par le vent de son souffle, battaient silencieusement contre son visage, comme pour