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trailles de la terre. Ce que Dieu a caché doit rester caché. Quand ce serait le secret d’un crime, c’est à Dieu seul de le ramener à la surface de la terre, sous les yeux des hommes, et d’en faire jaillir la vengeance, si c’est l’arrêt de la destinée.

En disant ces mots, Zahed laissa pour adieu au pâle Hamdoun un rire sardonique et plein d’amertume, puis il fit passer devant son cheval le dromadaire chargé de la boîte de plomb, qui ressemblait quelque peu à un cercueil, et il prit avec ses esclaves le chemin de Baghdad.

— Mon ami, dit Ildiz après qu’il fut parti, la joie de cet homme me fait mal. Il y a dans son regard quelque chose qui me glace.

— Je l’avoue, reprit Hamdoun, il y a quelque chose de surnaturel dans les yeux de cet homme, que je crois d’ailleurs ne pas voir ici pour la première fois.

— Cher Hamdoun, tu l’auras vu dans tes voyages avant notre union, avant la mort de mon infortuné père, car je ne doute pas que mon père ne soit mort dans ce grand voyage qu’il fit aux Indes, au moment où il m’ordonna de t’épouser.

— Chère Ildiz, s’il a rempli sa destinée, devons-nous murmurer contre Dieu ? Oh ! ne rappelle pas de si tristes souvenirs dans ce jour qui doit être consacré au bonheur.

— Hamdoun, mon cher Hamdoun, interrompit Ildiz en penchant voluptueusement sa tête sur le sein de son mari, tu as raison, ne pensons qu’au bonheur de nous aimer, tout ici semble nous présager le bonheur. Je vois le bonheur dans ce ciel pur comme ton ame, je le vois dans ces fleurs tendres et délicates comme notre amour. Un baiser, cher Hamdoun ; viens, rentrons ; car je t’aime, et dans tes bras seulement j’oublie l’inquiétude que me cause la trop longue absence de mon père.

Ils rentrèrent au palais. Hamdoun était pâle et soucieux. Quelques jours après, il y eut une fête brillante au palais de Hamdoun. On avait fait venir de Baghdad des chanteurs, des musiciens et des danseuses. Les effendis les plus riches et les plus distingués de la contrée s’étaient hâtés de répondre à l’invitation de l’opulent Syrien. Les femmes, voilées de leurs yachmaks, étaient admises, selon l’usage oriental, à voir les danses, à entendre les