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démontrer l’origine provençale de ces trois derniers, auxquels semblent se rattacher tous les autres. Or, cela n’est pas impossible ; je dirai plus, cela n’est pas difficile.

Mais il me faudra pour cela revenir par intervalles, et en aussi peu de mots que je le pourrai, sur des choses que j’ai dites précédemment, quand j’ai voulu donner une idée générale de la fable du Graal. Ce sont les deux romans du Titurel et du Perceval de Wolfram qui renferment les particularités caractéristiques, au moyen desquelles il est possible d’arriver par degrés à la véritable origine de cette étrange fable, ou du moins à sa première rédaction connue.

D’après ces romans, une race de princes héroïques, originaire de l’Asie, fut prédestinée par le ciel même à la garde du saint Graal. Perille fut le premier des chefs de cette race, qui, s’étant converti au christianisme, passa en Europe sous l’empereur Vespasien. Il s’établit au nord-est de l’Espagne, dans cette partie de la Péninsule nommée depuis la Catalogne et l’Aragon, et tenta le premier de convertir les païens de Saragosse et de Galice, auxquels il fit la guerre dans cette vue. Son fils, Titurison, poursuivit cette guerre, et y obtint de nouveaux succès. Mais c’était au fils de ce dernier, c’était à Titurel qu’était réservée la gloire de soumettre les païens d’Espagne, et de conquérir leurs divers royaumes, et entre autres celui de Grenade. — Il eut pour auxiliaires, dans ces différentes conquêtes, les Provençaux, les peuples d’Arles et les Karlingues, par lesquels il semble qu’il faille entendre les Franks ou les Gallo-Franks, sujets des princes Carlovingiens.

Jusqu’ici l’histoire de la race des gardiens du Graal a exclusivement pour théâtre la Catalogne et l’Espagne. Il ne s’agit, dans cette histoire, que des guerres faites aux païens du pays avec le secours des populations méridionales de la Gaule. La première idée qui se présente à propos d’une pareille histoire, et dès l’instant où l’on veut supposer un motif et un but à son auteur, c’est qu’elle a été composée pour célébrer la piété et l’héroïsme de quelqu’une des races de princes chrétiens qui dominèrent en Espagne, et s’y distinguèrent par des conquêtes sur les musul-