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paux événemens de la vie de chaque comte, à commencer par Torsinus, qui est un personnage fabuleux, et sur le compte duquel le chroniqueur n’a eu, par conséquent, que des fables à citer. — Il nous apprend lui-même qu’il avait tiré ces fables d’un livre des conquêtes de Charlemagne. Or, ce livre était un roman dans lequel il était amplement raconté comment Charlemagne, repassant les Pyrénées, après avoir conquis toute l’Espagne, vint conquérir successivement, en Gaule, les villes de Bayonne, de Narbonne, et toute la Provence. Torsinus ayant été son plus glorieux soutien dans toutes ses conquêtes, ce fut en récompense de ces services qu’il reçut le comté de Toulouse, où il continua à faire bravement la guerre aux Sarrasins.

Chaque seigneur féodal un peu puissant trouvait aisément un romancier pour faire remonter son lignage jusqu’à quelqu’un de ces vieux héros qui avaient pris des villes ou gagné des batailles sur les Sarrasins. — Je ne sais quel romancier flattait ici le comte de Toulouse de la même manière que d’autres flattèrent les seigneurs de Narbonne.

Je dis d’autres, car le roman de Guillaume-au-court-Nez n’était pas le seul où fussent célébrées les prouesses de ce premier Aymeric de Narbonne, le prétendu auxiliaire de Charlemagne dans ses conquêtes sur les Sarrasins. Le savant Cattel possédait une copie et cite quelques vers d’un second roman sur les exploits de ce même Aymeric, roman qui avait été composé en 1212, par un troubadour nommé Aubusson, de Gordon en Quercy.

Un troisième roman dont Aymeric est encore le héros, et qui n’a rien de commun non plus avec celui de Guillaume-au-court-Nez, c’est le roman de Philomena, qui subsiste encore dans le texte provençal, et dans une version latine, récemment publiée par le professeur Ciampi de Florence. Ce n’est qu’une plate légende monacale, ayant pour sujet principal la fondation du monastère de la Grasse, près de Narbonne, et dans laquelle sont racontés épisodiquement le siége de Narbonne et les batailles livrées par Charlemagne, durant ce siége, aux Sarrasins de la Septimanie et d’outre les Pyrénées.

Dans sa forme actuelle, ce roman ne remonte guère au-delà