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Maintenant, pour résumer en peu de mots les diverses conséquences de ces allusions, relativement à la question particulière qui nous occupe, voici ce que je n’hésite pas à affirmer :

1o Parmi ces cent romans provençaux dont l’existence est démontrée par les citations qu’en font les troubadours, il y en a au moins une dizaine indiqués comme plus populaires, plus célèbres que les autres, et que tout annonce avoir été composés dans la première moitié du xiie siècle. De ce nombre étaient l’histoire amoureuse de Landric et d’Aia, la belle d’Avignon ; celle de Seguin et de Valence, et celle encore d’un certain André de France, mort d’amour pour je ne sais quelle reine du pays, et fréquemment cité comme le plus parfait modèle des amans.

Outre ceux des cent romans cités qui roulaient ou semblaient rouler sur des sujets de pure invention, il y en avait d’autres ayant pour base des événemens tirés de l’histoire ou de la mythologie grecques, de l’histoire romaine, de la Bible. Quelques-uns peut-être se rattachaient à des traditions gauloises : tel, par exemple, semblerait avoir été celui dans lequel il était raconté, dit le troubadour qui le cite, comment les Rémois chassèrent Jules-César de leurs murs.

Plusieurs ont l’air de se rapporter à des événemens historiques qu’il est malaisé de déterminer. Il en est un, par exemple, auquel Gancelm Faydit, troubadour distingué, fait allusion, et même une allusion assez détaillée, et dont je ne sais point deviner le sujet. — L’empereur, dit-il, ayant vaincu et pris le roi allemand, le mit à traîner la charrette et le harnais ; et le captif, regardant tourner la roue, chantait sa misère, et pleurait le soir au manger.

Enfin, parmi tous ces romans perdus, il y en a quelques-uns dont le motif et l’argument piquent plus particulièrement la curiosité, et font davantage regretter la perte. Voici, par exemple, sept vers assez curieux de Perdigon, autre troubadour connu. Ces vers semblent faire allusion à quelque histoire romanesque de saint Nicolas de Barri, le patron des nautonniers.

« Nicolas de Barri, s’il eût vécu long-temps, serait devenu un savant homme. Il était resté long-temps sur mer, entre les pois-