Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.
130
REVUE DES DEUX MONDES.

pas en Europe, et qu’ici il ne s’agissait pas d’un duel. Ces guerilleros entendent le point d’honneur tout autrement que nous, et dans une querelle ils ne se feraient pas plus de scrupule de frapper un homme sans armes, qu’à la guerre d’attaquer un convoi séparé de son escorte. Hospina du reste est un bon diable, qui n’a point de rancune. S’il ne s’est pas grisé en nous quittant, ce soir nous serons les meilleurs amis du monde. En attendant, allons manger notre macaroni, et je vous expliquerai chemin faisant pourquoi ce mot l’a mis si fort en colère.


— Hospina a eu toute sa vie la main moins lente que l’esprit, et ce fut pour un mouvement de vivacité du genre de celui dont vous venez d’être témoin, qu’il se vit contraint, il y a quelques années, à quitter son pays natal, l’île de Porto-Rico, après avoir coupé le nez à un alcade. Il vint alors à la Terre-Ferme où il n’avait rien à craindre des autorités espagnoles, et s’engagea comme soldat dans les troupes que Miranda conduisait contre Valence. Après la défaite des indépendans et le rétablissement du régime royal sous Monteverde, il se retira vers les Llanos où des débris de l’armée patriote s’étaient formées de petites guérillas, d’abord insignifiantes, mais qui ne tardèrent pas à acquérir de l’importance. S’étant fait remarquer par diverses actions d’une audace peu commune, il parvint à réunir autour de lui une troupe avec laquelle, pendant près de deux ans, il harcela incessamment les royalistes. S’il avait eu quelques talens militaires, il aurait été maître de tout le canton ; mais il ne sut jamais profiter d’un avantage, et il tomba dans toutes les embuscades qu’on voulut se donner la peine de lui préparer.

Très-souvent battu, mais jamais découragé, il parvint à se maintenir jusqu’à l’époque où Bolivar entrant avec les troupes grenadines dans les provinces de Venezuela, y proclama la guerre à mort.

Vous savez que du côté des républicains comme les munitions étaient rares, au lieu de fusiller les prisonniers, on leur coupait la tête. Chaque soldat au besoin servait d’exécuteur, et il n’était pas rare de voir des officiers, surtout ceux qui appartenaient aux anciennes guérillas, mettre eux-mêmes la main à l’œuvre. Vingt