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rable insignifiance des femmes américaines n’en apparaît pas moins ; et j’ose dire qu’aussi long-temps qu’on ne les aura pas relevées de cet état de nullité, rien ne sera changé au ton et aux manières de la société américaine. »


Rien ne démontre mieux combien le goût est peu développé en Amérique, que les singulières idées qu’on y a de ce qui est décent, et de ce qui ne l’est pas. Les anecdotes suivantes quelque futiles qu’elles soient, méritent d’être recueillies.


« Sur la porte d’une des salles du musée, on lit cette inscription : Galerie des statues antiques. La porte était ouverte, mais un rideau tiré en dedans masquait l’intérieur de la salle. Comme je m’arrêtais pour lire l’inscription, une vieille femme, qui probablement était la gardienne de la galerie, s’avança et s’adressant à moi avec un air mystérieux : « Vite, vite, madame ; entrez, c’est le moment ; personne ne peut vous voir, dépêchez-vous. »

« Je demeurai toute surprise, et retirant mon bras dont elle s’était emparée, sans doute pour hâter mes mouvemens, je lui demandai d’un air très-sérieux ce qu’elle voulait dire ?

« Oh ! madame, me répondit-elle, c’est que les femmes sont bien aises d’entrer seules dans la galerie, et quand il n’y a pas d’hommes pour les voir. »

« En pénétrant dans cette salle mystérieuse, la première chose qui me frappa, fut un avis au public par lequel on l’invitait à ne pas imiter le zèle de quelques visiteurs qui avaient mutilé de la manière la plus honteuse et la plus indécente un certain nombre de statues. Assurément, pareille chose ne serait pas arrivée sans l’absurde usage d’introduire à des heures différentes les hommes et les femmes. Aussi long-temps que les idées de pudeur des Américains ne se seront point épurées, il me semble que le mieux serait d’interdire absolument aux femmes l’entrée de cette galerie. Je n’ai jamais senti ma délicatesse alarmée en visitant celle du Louvre ; mais j’avoue que je me suis sentie offensée à Philadelphie, par le soupçon que je pouvais attacher mes regards sur des choses estimées indécentes. Du reste, toutes ces précautions grossières, et les sentimens qui les inspirent, et les résultats qu’elles produisent, peuvent donner une idée de cette fausse délicatesse dont les Américains s’enorgueillissent, et qui donne une couleur si particulière à leur société.

« Deux figurantes, probablement exportées de l’Ambigu-Comique ou de la Gaîté, et du reste fort insignifiantes, débutèrent à Cincinnati pendant que j’y étais quand Mercure lui-même serait descendu du ciel, et aurait dansé