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nie. Tout autour et le long des bords de la forêt s’élevaient pressées les unes contre les autres, des tentes de diverses grandeurs ; derrière ces tentes, un autre cercle était formé par les voitures et charrettes de toutes les espèces qui avaient amené les spectateurs ; et derrière ces charrettes étaient attachés les chevaux qui les avaient traînées. À travers cette triple barrière défensive, notre œil distinguait les grands feux qui étaient allumés dans l’enceinte. À la clarté de ces feux se joignait celle d’innombrables lampions suspendus aux branches de quelques arbres qu’on avait laissé subsister dans la clairière. La lune, arrivée au plus haut point de sa course, brillait du haut du ciel sur cette vaste scène.

« Nous laissâmes la voiture aux soins d’un domestique qui devait y préparer un lit pour mistress B. et moi, et nous entrâmes dans l’enceinte. Au premier coup d’œil, ces arbres illuminés et ces groupes se promenant sous leur feuillage me rappelèrent le Wauxhall ; mais le second me révéla une scène qui ne ressemblait à aucune chose que j’eusse vue dans ma vie. Quatre échafaudages gigantesques, construits en forme d’autels, s’élevaient aux quatre coins de l’enceinte : ils étaient recouverts d’une couche épaisse de terre, sur laquelle brûlaient d’immenses feux de bois de pin. Sur un des côtés, on voyait une informe estrade préparée pour recevoir les prédicateurs. Il y en avait quinze à la tête de ce meeting. Sauf les courts intervalles réservés pour les repas et les actes de dévotion privée, ils se succédaient sans interruption sur cette estrade, et y prêchaient jour et nuit depuis le mardi jusqu’au samedi.

« Lorsque nous arrivâmes, les prédicateurs se taisaient ; mais de toutes les tentes qui environnaient la place s’échappaient des sons confus, mélange bizarre de prières, de déclamations, de chants et de gémissemens. Les draperies blanches qui servaient de portes à ces tentes étaient en ce moment fermées, et la lumière qui en éclairait l’intérieur les dessinait comme de pâles fantômes sur le fond sombre de la forêt. C’était un spectacle d’une mystérieuse beauté pour l’imagination, et si les sons qui l’animaient eussent été moins étranges et moins discordans,