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hâler : il n’y avait plus qu’une bordée de salut pour le contrebandier.

Il virait de bord pour la courir, quand la frégate, sans quitter sa proie, détacha une embarcation montée de douze soldats de marine, d’un timonier, et d’un aspirant pour les commander.

L’embarcation se dirigea vers la terre.

La mer était haute, fatiguée encore par l’orage. On entendait se heurter les carabines des soldats ; on voyait debout l’officier, sans chapeau, le visage blême, la trompette marine à la main.

Ils approchaient du rivage.

Sur le rivage il n’y avait qu’une jeune fille en robe blanche, venue là, sans doute, pour suivre du regard, son amant, dans le combat qui se préparait, ou pour respirer l’air robuste et sain de l’Océan.

Ceci n’intéressait personne :

Le vent était fort, ses longs cheveux flottaient, sa robe blanche et pure s’attachait à ses jambes, comme un voile à une statue antique, ses beaux pieds évitaient avec soin l’écume blanche qui s’étendait en nappes autour d’elle.

La barque approchait toujours.

Et alors on distingua Scipion qui était au gouvernail, Auguste qui commandait debout à l’arrière.

Ils étaient déjà sur les brisans.

Au loin le contrebandier achevait sa dernière et fatale bordée ; il n’avait plus que celle-là à fournir, si un signal ne l’avertissait tout-à-coup, rapide comme un cri, comme un geste, de se jeter dans la passe.

Ce signal allait être donné peut-être.

La population entière ne respirait plus.

— En joue ! cria Auguste !

La trompette marine lui tomba des mains.

— Feu ! cria Scipion !

Une main blanche, comme celle d’un ange, qui écarte un rayon de soleil ou un nuage, s’était levée enveloppée d’un mouchoir blanc.