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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

Après l’explosion de juillet, M. de la Mennais voulut se servir de la liberté comme d’un instrument de rénovation ; il se dressa une tribune, et il se mit à réclamer dans un journal quotidien, l’Avenir, l’indépendance absolue de l’église catholique, sa séparation d’avec l’état : il fallait que l’église renonçât à tout salaire octroyé par le gouvernement pour devenir omnipotente dans son culte, sa discipline et son enseignement, et qu’elle songeât à se régénérer, elle, sa constitution et sa théologie. Le prêtre catholique se jetait hardiment dans les flots de son siècle et de la démocratie pour les retenir ou les ramener ; il changeait de ton et de langage, le prédicateur de l’autorité immobile, et plein de mépris pour les rois qui tombaient sous ses yeux, il se tournait vers les peuples entre les mains desquels il sentait la puissance. Nouvelle épouvante parmi les gallicans, cris de fureur, dénonciation à Rome. Le prêtre journaliste est un hérétique damnable qui ébranle l’église par de factieuses nouveautés. La clameur fut si haute, qu’elle déconcerta M. de la Mennais ; il s’interrompit tout-à-coup, et résolut d’aller demander à Rome l’approbation de ses doctrines et de son entreprise. Il avait jusqu’alors beaucoup écrit pour elle ; il avait proclamé que la mission de l’autorité pontificale était de sauver la foi et la société, en rompant les liens qui arrêtent l’action de la puissance spirituelle ; que sous la parole du souverain pontife tout devait plier[1]. Il espérait quelque reconnaissance ; il croyait aussi pouvoir éclairer, convaincre le prêtre qui siége au Capitole. Ce n’était pas connaître Rome ; elle est implacable contre ce qui est nouveau ; le génie, surtout dans le sein de l’église de France, lui cause toutes les transes de la peur, et tous les déchiremens de l’envie. Ces cardinaux italiens qui de temps à autre se donnent un maître ou un serviteur, sont inépuisables en ruses et en rancunes contre tout ce qui tient à la France. Nous ignorons encore à Paris, monsieur, les détails précis de l’accueil qu’a trouvé à

  1. Des progrès de la révolution et de la guerre contre l’église, pages 264, 265.