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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

dra que l’homme de notre âge s’en réfère sur la manière de connaître et d’aimer Dieu aux décisions du concile de Trente.

M. de la Mennais définit l’autorité, la raison générale manifestée par le témoignage ou par la parole. Que de peine il se donne pour éviter la pensée même ! Mais le témoignage et la parole impliquent l’esprit. Pourquoi donc ne pas reconnaître l’autorité dans la pensée humaine, s’élevant à ce caractère de généralité qui la fait vraie et sociale ? M. de la Mennais pousse si loin l’horreur de la raison, qu’il cherche la preuve de Dieu dans les traditions plutôt que dans le cœur de l’homme. La famille, dit-il, a sa tradition et remonte jusqu’au premier père, qui est sa raison ; chaque peuple a sa tradition, et remonte jusqu’à un premier pouvoir, à un premier père qui est sa raison : le genre humain a sa tradition, et remonte jusqu’à un premier père qui est Dieu et sa raison. L’écrivain n’a de plus grand souci que de prouver que la certitude n’a pas de base en nous-mêmes. Le sentiment est variable et faux ; le raisonnement est trompeur ; une autorité extérieure est seule certaine. M. de la Mennais repasse sur les traces de Bossuet, qui dit dans ses Variations : « Le propre de l’hérétique, c’est-à-dire de celui qui a une opinion particulière, est de s’attacher à ses propres pensées, et le propre du catholique, c’est-à-dire de l’universel, est de préférer à ses sentimens le sentiment commun de toute l’église. » Toujours la même répulsion exercée contre la liberté et la raison.

Un des volumes de l’Essai sur l’indifférence est consacré à prouver que jamais aucun peuple n’a ignoré les dogmes ni les préceptes de la religion primitive, à montrer en même temps que l’idolâtrie n’avait ni doctrine, ni loi morale, ni enseignement, et que, par conséquent, elle n’était pas une religion, mais la violation d’un commandement divin ; d’où il suit qu’il n’y eut jamais qu’une religion dans le monde, religion universelle, catholique, dans le sens le plus rigoureux. Il est certain que la doctrine de l’unité de Dieu n’est pas une création du christianisme, et je ne vois rien à en conclure, si ce n’est qu’il vint seulement rendre plus populaire une idée nécessaire et