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d’elle-même ; je veux abréger : eh ! bien que fait le catholicisme ? Il vit, il respire, mais enchaîné sur sa base par une insurmontable torpeur, il occupe, il oppresse encore une partie du monde, mais il ne vivifie plus la terre : c’est la décrépitude d’un grand corps, lent à mourir. Ce n’est donc pas le moment de prononcer sur lui des paroles ardentes ou amères ; il en faut parler avec tranquillité, et je veux aujourd’hui, monsieur, vous entretenir de l’état où se trouve en France le catholicisme.


Quand l’esprit chrétien se répandit sur la terre, il resta long-temps faible et désarmé. Comme Jésus, il vint au monde nu et petit ; il cherchait à s’insinuer dans les âmes ; il demandait à l’homme une place dans son cœur ; il mettait son ambition à s’y établir, à s’en rendre maître, de telle façon qu’il y devint nécessaire, et que le cœur, une fois atteint et saisi, ne put plus se passer des délices de l’amour nouveau. La charité sut tout convertir, parce qu’elle sut tout enflammer. Le grand Paul lui donna le pas sur la foi ; Jean s’en fit le poète et le docteur, et le christianisme fut reconnu divin, parce qu’il purifiait ardemment le cœur de l’homme. L’homme appelle divin tout ce qui relève l’humanité ; comme il se sent dieu lui-même, en ce sens qu’il en participe, il divinise ce qui est grand, bon et salutaire ; rapprochement nécessaire, confusion glorieuse de Dieu et de l’homme, incarnation continuelle qui de jour en jour devient plus sensible et plus intelligible. C’est pour avoir été charitable, moral et pratique, que le christianisme réussit dès son début ; plus tard il se fit une théologie et une métaphysique ; plus tard encore il passa de la variété infinie de petites sociétés ou églises démocratiques, à l’unité monarchique de la théocratie romaine. Il était naturel qu’une religion dont le caractère et la supériorité consistaient dans une morale plus humaine et plus pure que tout ce qu’elle venait supplanter, aspirât à devenir une institution politique, à maîtriser la société. L’intelligence convoite facilement le maniement des choses humaines. Mais si l’esprit du christianisme se revêtit des insignes de la papauté aux applaudissemens du monde, s’il eut pour ministres des prêtres plus que rois, il